L'ex-gourou de la jeunesse islamiste urbaine a été conduit en fin de semaine aux urgences de l'hôpital de Kouba. Présent lors de l'enterrement de Ahmed Sahnoun, Ali Benhadj n'a pu résister le lendemain au mal qui le minait. Evacué le mercredi matin à l'hôpital civil de Kouba, l'ancien tribun de la jeunesse urbaine pauvre a été retenu toute la journée au service des urgences et les médecins attendaient encore les résultats des analyses pour se prononcer définitivement s'il fallait ou non le retenir à l'hôpital, l'évacuer vers Aïn Naâdja ou permettre à sa famille de le ramener chez lui, à la cité des enseignants de Haï El-Badr. Et c'est Benhadj lui-même qui insiste pour être ramené chez lui. De santé fragile, c'est pourtant la première fois que la famille de l'ancien n°2 du FIS prit peur, au vu de la rapide détérioration de l'état général de celui-ci. Tremblements, vomissements et diarrhées s'alternaient, accompagnés d'une brusque montée de tension. Si certains mettent ce fléchissement sur le compte d'une extrême fébrilité du numéro 2 de l'ex-FIS, d'autres insistent sur l'émotion des jours précédents et le décès du cheikh Ahmed Sahnoun, qui a dû l'agiter très profondément. L'épisode du 10 octobre 1988 et la lourde accusation portée par l'imam de la Concorde au tribun de la Sunna sont restés à ce jour de bien grands motifs de discorde entre les deux hommes, qui avec cinquante ans de différence d'âge, incarnaient les deux extrêmes - dans tous les sens du terme - de la mouvance islamiste d'alors. Par delà l'hospitalisation du turbulent orateur du parti dissous, il y a à observer l'évolution de la mouvance islamiste dite radicale, et la guerre de légitimité et de succession qui semble désormais ouverte. Il y a quelques jours, à partir de Kuala Lampur, Abassi Madani a clairement laissé entendre qu'il ne fallait plus compter sur lui pour l'avenir, et qu'il a délibérément choisi le chemin de l'exil parce que son âge, son état de santé et le blocage qui caractérise la scène politique actuelle ne lui permettent pas de continuer à tenir réellement le rôle actif qui a été le sien dans la mouvance islamiste depuis 1980. Son «initiative de paix», vaste projet de sortie de crise, et qui semble d'ores et déjà voué à l'échec, est une espèce de «baroud d'honneur» du cheikh avant son éclipse. Ali Benhadj, véritable figure emblématique du FIS, est celui qui représente le mieux l'image du parti dissous. Son état de santé, de plus en plus préoccupant, ajouté aux restrictions draconiennes auxquelles il reste soumis ne lui permettent plus de jouer un rôle actif et influent dans ce qui reste des structures éparses du parti. Désormais, la guerre de succession et de légitimité est grande ouverte entre la «direction algéroise», proche de Benhadj et représentée par Ali Djeddi, Kamel Guemazi et Abdelkader Boukhamkham et l'«instance provisoire» du FIS à l'étranger. Or, cette dernière est déchirée entre deux structures ennemies, celle de Bonn représentée par Rabah Kebir, le président de l'instance exécutive du FIS à l'étranger, appuyée par Abdelkrim Ould Adda, le porte-parole du FIS à l'étranger et la direction de l'AIS, structure qui se réclame de la «légitimité historique», et celle de Genève, représentée par le trio D'hina-Fillali-Habès, qui se réclame d'une «légitimité de fait», car son congrès constitutif et les résultats de celui-ci, organisé fin 2001 à Bruxelles, ont été appuyés et «avalisés» par Abassi Madani. Entre ces courants, on retrouve Anouar Haddam, Omar Abdelkader, Ahmed Zaoui, etc. qui ne se réclament d'aucune instance, mais insistent sur le fait qu'ils bénéficient d'une légitimité historique et d'une légalité (celle du congrès de Batna de 1991) que seul un congrès peut discuter. Vieux ou malades, les anciens leaders du parti dissous s'effacent peu à peu. Les jeunes loups de la mouvance djazaâriste semblent faire une OPA sur les instances dirigeantes encore en (semi) existence. Cependant, rien ne sera comme avant et, tout ce qui a fait la grandeur et la décomposition du FIS s'articulait autour de Ali Benhadj, inébranlable tribun et gourou incomparable de la jeunesse islamiste urbaine et qui semble aujourd'hui «en fin de règne». Les autres leaders du parti dissous ne peuvent plus rien dans un contexte politique, qui d'année en année, se referme autour d'eux et les exclut de la scène légale.