Le contexte politique, dominé par une «poussée concordiste», ne permet pas d'autres restrictions à l'encontre de l'ex-tribun de la jeunesse islamiste. L'ancien gourou des islamistes du FIS a été convoqué, hier, par la police judiciaire de la wilaya d'Alger. Selon la famille de Benhadj, il lui est reproché, «certainement», d'avoir dispensé une «halaqa» (espèce de cours théologique privé) lors de son passage à Aïn Defla. Avant-hier, vendredi, Ali Benhadj s'était effectivement rendu à Aïn Defla, où il avait effectué la grande prière du vendredi. Ville islamiste par excellence entre 1989 et 1992, Aïn Defla a été, paradoxalement, très touchée par la vague de terrorisme qui s'était abattue sur l'ensemble du pays. Aujourd'hui en plein mouvement, mais très touchée par le chômage, elle reste tributaire des petits négoces, du commerce tous azimuts et des transits des gros tonnages, semi-remorques et camions, qui traversent le pays d'est en ouest pour ravitailler les commerçants. C'est dans cette ville qui renaît que Ali Benhadj est allé braver les interdits, car c'est bien la première fois qu'il pousse le défi aux autorités jusqu'à prêcher et dispenser un cours privé, depuis sa libération, le 2 juillet 2003, intervenue après douze années de détention. Lors de sa sortie de prison, l'autorité militaire lui avait notifié les fameux «dix interdits», vaste document qui précise, en dix points, les restrictions politiques dont il fait désormais l'objet. Evidemment, Benhadj a quitté la prison de Blida, et depuis il est soumis, de fait, à ces textes qui lui interdisent toute expression politique, sous quelque forme que ce soit. L'ancien gourou de la jeunesse islamiste déshéritée continue à écrire et à se déplacer pour des visites privées, mais politiquement fort significatives. Lors de son passage, fin mars 2004, au ministère de l'Intérieur, il avait défrayé la chronique en présentant sa «demande d'intention» de se présenter à l'élection présidentielle, appuyée d'un document de douze pages, qui traçait, en grosses lignes, son «programme politique». Benhadj continue à braver les interdits en défiant ostensiblement les autorités, jugeant les restrictions qui le frappent d'«iniques anti-constitutionnelles et allant à l'encontre des droits de l'Homme les plus élémentaires». Les responsables de la sécurité intérieure, qui continuent à le maintenir sous pression, sont bien renseignés quant à ses capacités de mobiliser les foules. Cependant, ils n'iront pas plus loin dans les restrictions qui lui sont déjà infligées, dans un contexte politique concordiste et une conjoncture émaillée par une démarche de réconciliation portée à bras-le-corps par le président de la République.