Le président de la République n'est pas arrivé à convaincre les radicaux du parti dissous. A moins de quatre semaines de l'élection présidentielle, les islamistes radicaux issus du parti dissous, et qui ne disposent pas d'un cadre légal pour leur activité, ne cautionnent toujours pas la démarche politique du président-candidat Bouteflika, de plus en plus isolé et contesté par la classe politique. Très influents dans les quartiers populaires et gardant encore intactes leurs affinités et leurs attaches avec la jeunesse islamiste urbaine, les leaders du FIS refuse toute idée de caution ou d'appui au candidat Abdelaziz Bouteflika avant que celui-ci ne fasse un «geste significatif et symbolique» en leur faveur. Pour Abdelkader Boukhamkham, «il n'y a aucun geste qui est venu contredire notre scepticisme quant à une volonté politique réelle d'arriver à une réconciliation nationale, synonyme d'une sortie de crise». Il ajoute: «Tant que le jeu politique continue d'exclure les islamistes, il n'y aura pas de vraie concorde civile : tout est trompe-l'oeil et faux fuyants, que nous avons poursuivis comme un mirage depuis 1999. Il est vrai que Bouteflika est très proche, dans ses propos du moins des islamistes, mais souvent ses promesses restent sans suite». Cette attitude rejoint celle du duo Ali Djeddi-Kamel Guemazi, lequel a toujours soutenu que la concorde civile est une politique sans contenu, et qui reste, à ce jour, floue, ambiguë, sans contours définis ni règles établies, parce que, justement, on essaye d'en faire un simple piège, un attrape-nigaud sans effets réels. Les deux hommes de l'ex-majliss échouri du FIS ont été contactés, au même titre que Boukhamkham, Benhadj et Madani Mezrag, émir de l'Armée islamique du salut (branche armée du FIS, autodissoute le 13 janvier 2000), par plusieurs candidats proches des islamistes, pour bénéficier de leur appui, mais ceux-ci se gardaient bien de s'afficher avec les candidats, et attendaient que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, lance, le premier, un signal assez fort pour lui apporter l'appui et le soutien nécessaires. Celui-ci tardant à venir, ils commencent à douter sérieusement des intentions politiques des dirigeants militaires et politiques, qui donnent des signes contradictoires, tantôt apaisants, tantôt défavorables. «La preuve, disent-ils, a été donnée avant-hier, jeudi, lors de l'enterrement du frère Abou Hafs, assassiné la veille à El Harrach, par les forces de sécurité qui ont empêché Ali Benhadj de se rendre à l'enterrement de l'imam et de présenter ses condoléances à sa famille. Pire, il a été conduit au commissariat d'Alger, et retenu jusqu'à une heure tardive de la nuit. Comment voulez-vous qu'on croit encore à une concorde civile d'où les islamistes semblent bien exclus». Ali Benhadj, ancien tribun de l'ex-FIS et gourou de la jeunesse islamiste urbaine déshéritée, reste encore soumis à d'énormes restrictions et chacune de ses sorties est soumise à l'interrogatoire des forces de sécurité, alors que Djeddi, Guemazi et Boukhamkham, restent relativement libres dans leurs déplacements. Seuls les anciens émirs de l'AIS, Madani Mezrag, Mustapha Kebir, Bouzid Mohamed, Mustapha Kertali et Ahmed Benaïcha, bénéficient de la liberté totale de leurs mouvements. Kertali, émir de la région AIS-Centre, a effectué son pèlerinage récemment aux Lieux-Saints, alors que Bouzid, résidant à M'sila, a annoncé son soutien au président, lors du passage de ce dernier dans la région des Hauts-Plateaux. Le pouvoir et les islamistes jouent depuis vingt-cinq ans, en Algérie, au jeu du chat et de la souris. Manipulation, pression, répression, négociation, concession, ralliement, cohabitation et divorce ont émaillé ces longues années d'antagonisme que le président Bouteflika avait tenté, dès 1999, d'atténuer et d'en lisser les aspérités.