Rencontré lors de sa vente-dédicace à la librairie du Tiers-monde, Rachid Adjaoud, ancien secrétaire de la Wilaya III historique, directeur des hôpitaux durant une trentaine d'années, député à la deuxième législature et membre du Comité central du FLN et l'un des derniers compagnons encore en vie du colonel Amirouche, revient avec son ouvrage (mémoires) le dernier témoin scindé en deux tomes, sur les origines et les méandres de la Révolution algérienne et tout ce qu'elle implique comme sujets sensibles, à l'exemple de ce que recèlent la période 1945-1954, la Seconde Guerre mondiale et comment l'occupant a essayé de juguler le Mouvement national, l'origine des événements du 8 Mai 1945, la région de Seddouk (Béjaïa), la Wilaya III et la région de Sétif, les colonels Amirouche et Si El Haouès, le Congrès de la Soummam, la mort de son confrère Salhi Hocine qui, avec lui, a figuré dans le secrétariat de ce même Congrès. L'auteur évoquera aussi son enfance dans la Kabylie, les braves martyrs et frères, cheikh El Fodil El Ourtilani, cheikh Laïfa de Sétif, Saïd l'Indochine, Si Mohand Akli Naït Kaâbache, Arezki Laure, le médecin Benabid, des hommes légendaires, selon lui. Acteur et témoin, cet ancien officier de l'ALN ne se dit pas héros de la guerre de Libération nationale, mais proclame l'authenticité de ses documents et l'effort de partager son témoignage poignant avec les nouvelles générations et ce, à travers le rôle qu'il y a joué. L'auteur participe à l'écriture de l'histoire de notre révolution et dévoile certains aspects de la guerre qui sont longtemps demeurés obscurs. Enrichi de documents officiels, des lettres adressées notamment par Si Amirouche au Gpra, cartes, photographies et des fac-similés, qui consolideront l'apport historique de ses témoignages, nourrissant nécessairement l'histoire de l'avant, pendant et après la Guerre d'Algérie. L'Expression: Qu'évoque le titre de votre ouvrage, Le Dernier témoin? Rachid Adjaoud: Le Dernier témoin est la seule façon de dire que plus personne ne pourra raconter l'histoire de la colonisation et de la Guerre d'Algérie après moi, plus personne ne pourra raconter comment ont vécu les vieilles générations et parmi elles les témoignages de ma grand-mère qui me livrait déjà sa mémoire, à savoir comment est entrée la colonisation à la commune de Seddouk, et comment elle en est sortie. J'ai vécu le terrorisme aussi et ses menaces, j'ai vécu dans mon plus jeune âge le début de la Révolution et j'assiste encore, parmi les derniers survivants ce qu'est devenue l'Algérie. Le dernier témoin, parce que plus personne ne pourra raconter certains faits après moi à l'exemple des témoignages du docteur Ferri cités dans mon livre, intitulé Médecin en Berbérie. La mémoire également de l'esprit du Mouvement national à l'époque et beaucoup d'autres faits historiques. Vous parlez dans votre livre de votre enfance à Seddouk, de votre militantisme dès votre jeune âge. Quelles sont les messages essentiels de votre livre? C'est un livre qui retrace la période où je suis né, soit avant la guerre, afin de partager mes connaissances avec les jeunes lecteurs, ce que nous avons vécu avec le colonialisme, mais surtout les premiers hommes qui ont contribué au déclenchement de la Guerre d'Algérie et dont on parle si peu, si mal ou pas du tout. Ces premiers hommes qui ont fait germer l'idée de la Révolution et qui sont restés méconnus. Quant à nous, nous avons juste participé. Mais je parle aussi de la colonisation à travers le village de Seddouk. Mais le livre ne parle pas que du passé, mais de nos espoirs sur l'Algérie telle qu'on l'aurait souhaité devenir, de nos rêves aussi. Ce livre relate mon parcours de 1937 à 1955 et le second ouvrage. La Guerre de Libération retrace la lutte armée. De quelle nature étaient vos rapports avec le colonel Amirouche? Les rapports que j'entretenais avec le colonel Amirouche, étaient ceux de simple djoundi avec un officier supérieur, mais des relations fraternelles, non pas conjoncturelles, mais bien fraternelles, depuis que je l'ai connu, étant jeune, au Congrès de la Soummam jusqu'à la fin. Et j'ai été extrêmement blessé quand on a voulu porter atteinte à la notoriété et l'intelligence de Si Amirouche. On ne touche pas aux morts. Comment laisser faire de telles atteintes à la mémoire des hommes braves qui ont tout donné à leur pays. J'ai été au maquis avec le colonel Amirouche depuis 1956 jusqu'à son départ vers la Tunisie. Mais certaines personnes n'acceptent pas l'idée qu'une part importante de la révolution s'est jouée dans la Wilaya III. J'ai des souvenris et un grand respect envers les deux colonels, Amirouche et Si El Haouès qui tombèrent bravement au champ d'honneur.