La décision du roi de dépêcher son chef de la diplomatie est de nature à aggraver la crise algéro-marocaine. Le Maroc sera représenté par son ministre des Affaires étrangères au sommet de l'UMA. C'est ce qu'a affirmé Mohamed Benaïssa, le chef de la diplomatie du royaume chérifien, hier à Alger, à sa descente d'avion. Cette annonce confirme les appréhensions des officiels maghrébins présents à Alger depuis jeudi, mais amène également à s'interroger sur le jeu trouble du Maroc qui a décidé d'une représentation bien en deçà de ce qui aurait pu être, au plan protocolaire, quelque peu acceptable. En effet, les observateurs pensaient que le Maroc aurait pu se faire représenter par son Premier ministre, à défaut de voir le roi se déplacer à Alger. Cet état de fait explique, selon les mêmes observateurs, une volonté délibérée du royaume de réduire de la portée historique de l'événement. Pis, les Marocains semblent tout faire pour amener à l'ajournement pur et simple de la rencontre des 23 et 24 décembre. On voit en effet mal des chefs d'Etat de la région accepter une telle marque de mépris de la part de ce qui est censé être un partenaire à part entière. Cela étant, le ministre des Affaires étrangères marocain pousse le cynisme du palais royal jusqu'à évoquer la poursuite des «consultations bilatérales entamées avec M.Belkhadem à Tunis et à Marrakech». Une concertation qui, selon le même ministre, «nous pousse à dépasser nos différends et nos problèmes et nous parviendrons à répondre aux aspirations des peuples de l'UMA». Ainsi, «les Marocains continuent d'user de discours creux et sans lendemain et feignent d'ignorer le fait que la sous-représentation du royaume au sommet de l'UMA est justement un facteur supplémentaire à même d'aggraver les divergences au sein de l'Union», commente un cadre algérien qui a requis l'anonymat. Le même cadre ne cache pas son pessimisme quant à la réussite du sommet, déjà reporté par deux fois à cause de la défection du Maroc. Il est clair que l'attitude du Maroc est surtout dictée par la question du Sahara occidental dont il fait un point de fixation depuis 1994. Cela dit, l'officialisation de la décision marocaine intervient au lendemain d'un entretien accordé par Bouteflika à des journaux libanais où il a clairement affiché le refus de l'Algérie de céder au chantage marocain. De là à ce que le sommet soit tout bonnement reporté, il n'y a qu'un pas, d'autant que la Mauritanie a également annoncé sa non-participation à cause d'un différend qui l'oppose à la Libye qu'elle accuse d'avoir financé un candidat à l'élection présidentielle mauritanienne. Cette sortie marocaine, du reste attendue par de nombreux observateurs, constitue selon les analystes un véritable coup de grâce à un travail entamé par la diplomatie algérienne en 2000. Ce qui ne manquera pas d'exacerber les tensions entre Alger et Rabat et d'inscrire la crise algéro-marocaine dans la durée. Par ailleurs, l'échec annoncé du sommet d'Alger est synonyme d'une aggravation du retard dans l'intégration économique de la région et, partant de l'élargissement du gouffre, qui sépare les pays du Maghreb de leurs voisins européens. Un constat que n'a d'ailleurs pas manqué de faire le ministre marocain des Affaires étrangères qui a affirmé que «même l'Union européenne et les Etats-Unis d'Amérique nous appellent à l'union». Un discours en totale contradiction avec la pratique sur le terrain des Marocains.