La corruption ne cesse d'inquiéter Ksentini. En élaborant le rapport annuel qu'il doit remettre, incessamment, au Président de la République, il a pu mesurer la persistance de ce fléau et même son ampleur. Il s'en inquiète tellement qu'il a lancé, hier sur la Radio nationale Chaîne I, un cri d'alerte. Pour lui, ce phénomène n'existait pas dans les années 60 et 70. En réalité des signes annonciateurs l'ont précédé, comme le clientélisme et le trafic d'influence qu'on appelait le «ben-âmisse» ou le «taouâana». Même lorsque Ksentini croit découvrir que la «corruption est devenue un sport national à tous les niveaux de l'administration entravant l'économie nationale», il semble que sa mémoire lui fait défaut. L'avocat qu'il est oublie les tribunaux en charge des crimes économiques dans les années 70. Les commissions versées par des partenaires étrangers à certains de nos cadres ont toujours existé. Des procès retentissants avaient eu lieu à l'époque. C'est faute de n'avoir pas su endiguer ces crimes commis à un certain niveau de la hiérarchie sociale que le phénomène a fini par métastaser et devenir «un sport national». C'est même cela qui a donné naissance à la corruption. Cela va aujourd'hui du plus simple document administratif au plus grand marché public. Il ne faut pas avoir peur d'y ajouter l'intelligence avec des pays étrangers régis également par l'argent. Devant l'ampleur et la complexité prises par ce fléau, Farouk Ksentini donne l'impression de l'angélisme absolu quand il appelle à «accélérer» la dotation en moyens de la commission nationale de lutte contre la corruption. Il faut en finir avec les fausses croyances. Ce ne sont pas les moyens d'investigations qui font défaut. Il suffirait de commencer par les signes extérieurs de richesse pour saturer les tribunaux. Il est impératif de ne plus s'enfermer en amont du problème. Et lorsque M. Ksentini invoque la loi et demande son application «pour mettre fin à cette situation», il ne fait que «remuer le couteau dans la plaie». C'est la loi qui n'est pas à la mesure du combat à mener. Ce sont les dispositions de la loi qui ne sont pas dissuasives. Quand un accusé de corruption dans une affaire où il a «engrangé» des milliers de milliards en centimes, ou d'un autre qui compte sa commission en centaines de millions d'euros et que tous deux n'écopent que de quelques années de prison, nous sommes en présence d'un «marché de dupes». Le trésor bien planqué est retrouvé aussitôt la liberté retrouvée. Voilà où en est M.Ksentini! La seule manière d'en finir avec ce mal qui a pris des proportions très dangereuses est d'appliquer les grands remèdes. L'ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a évoqué, lors d'un meeting à Tizi Ouzou vendredi dernier, la peine de mort pour certains crimes comme le trafic de drogue, le kidnapping et les crimes économiques (corruption et détournements de deniers publics). Il suggère que ces cas devraient être exclus du moratoire ratifié par l'Algérie en 1993. Il a cité, bien à propos, le cas d'un célèbre kidnapping dans les années 70 dont l'auteur a été passé par les armes. Le phénomène a été «tué» dans l'oeuf. Cessons d'être des nigauds devant les abolitionnistes de l'Occident. Quand la peine de mort est appliquée aux Etats-Unis, elle devient, pour ces mêmes abolitionnistes, plus «douce» par injection. L'autre solution consiste à prévoir des emprisonnements en centaines d'années. Comme pour l'Américain Bernard Madoff. La peine de mort qui ne dit pas son nom. Face à des fléaux qui mettent toute la nation en danger et le «politiquement correct», avons-nous fait le choix?