La donne du FIS dissous, importante s'il en est, risque de fausser pas mal de calculs en bout de parcours. Il est devenu évident, aux yeux des observateurs avertis, que la mouvance islamiste, qui avait de sérieuses chances de peser lourdement sur le prochain scrutin présidentiel à la faveur du conflit larvé en train de réduire de l'influence du FLN, y exercera une moindre influence depuis que ses principaux leaders ont décidé d'y aller en rangs dispersés. Djaballah, principale figure de la «vitrine officielle» de la mouvance islamiste en Algérie, a franchement annoncé la couleur en faisant cavalier seul depuis le début. Il a ainsi refusé de signer un manifeste pour la suppression des bureaux spéciaux vieux de près d'une année, signé par Ahmed Taleb Ibrahimi, Ali Kafi, Ali-Yahia Abdennour et Rachid Benyellès. Il devait, quelques mois plus tard, initier sa propre loi abondant dans le même sens. C'est également la même raison qui a dû pousser Abdallah Djaballah à bouder la pétition nationale appelant à la levée de l'état d'urgence alors qu'il reste un partisan acharné de cette revendication et qu'il a reçu de nombreuses invitations de la part des initiateurs du document en question. Il est vrai qu'il était encouragé dans sa démarche depuis qu'il a commencé à multiplier les succès. L'interdiction d'importation des boissons alcoolisées est en effet de son «cru». Ses parlementaires ont su tirer un profit maximum des désaccords profonds existant d'une part entre le RND et le FLN, et d'autre part au sein même du groupe parlementaire de ce dernier. Nul doute, soulignent finement des observateurs avertis, que «le cheikh », revenu de loin depuis ses mésaventures avec le mouvement Nahda, se sent «grisé» par des succès tout aussi inattendus que nombreux. Il a beau évoquer des «alliances» dans ses discours récents, le fait est que celles-ci ne devraient se faire jour qu'en cas d'extrême nécessité, ou lors d'un second tour de plus en plus probable, qui mettrait peut-être aux prises Bouteflika avec quelque autre candidat de la mouvance islamiste. Celle-ci, dans sa façade officielle, est également représentée par le MSP. Un parti en perte de vitesse et dont le décès de Nahnah ne semble pas avoir arrangé les affaires. Le Mouvement de la société pour la paix, qui sait les portes de l'opposition définitivement fermées devant lui face à Djaballah et les leaders de l'ex-FIS, ne peut faire autrement que de poursuivre dans sa démarche basée sur l'entrisme, d'autant qu'elle a souvent porté ses fruits. Les gens au fait de ce qui se passe dans les rangs de ce parti prédisent un soutien sans faille à une seconde candidature de Bouteflika comme le feront l'ensemble des membres de la coalition gouvernementale, c'est-à-dire le mouvement de redressement en plus du RND qui, lui, a été le premier à annoncer vouloir rouler pour le «président-candidat». Face à ces deux tendances diamétralement opposées représentant le même mouvement, il existe plusieurs autres forces non «agréées» par la loi. Ahmed-Taleb Ibrahimi, dont le parti n'a pas été agréé par Zerhouni, aime à se définir de la mouvance «nationaliste-islamiste». Sans doute n'en fallait-il pas plus aux observateurs et détracteurs pour emboîter le pas au ministère de l'Intérieur pour ranger Wafa et son leader dans le camp des islamistes purs et durs. Il est vrai que l'homme, fils du second président de l'association des Ulémas musulmans, jouit d'un crédit certain au sein de l'élite électorale de l'ex-FIS. Un vivier non négligeable pour un Taleb qui n'oublie pas qu'il a récolté en 1999 plus d'un million de voix en dépit de son retrait de la course électorale. Resté fidèle à ses convictions, se battant seul contre ses «oppresseurs», Taleb a dû gagner plus de crédit encore, jusqu'à constituer actuellement l'un des plus sérieux candidats à la présidence de la République. La donne du FIS, dans ce méli-mélo, reste toutefois encore importante depuis que six de ses dirigeants ont indiqué avoir leur mot à dire sur la question de la présidentielle. Abassi Madani, qui sillonne le monde, attend de divulguer une initiative de sortie de crise pas bien différente de la réconciliation nationale si chère au coeur de Bouteflika. Quant à Ali Benhadj, qui garde son aura intacte au sein de ce qui reste de l'électorat de l'ex-FIS, force est de dire que le jour où il quittera son mutisme, beaucoup de choses bougeront, voire changeront, au sein de toute la mouvance islamiste. En pleine campagne électorale, prédisent les observateurs, Benhadj pourra entrer en scène sans grand risque de se faire priver de parole de la part d'un pouvoir ayant tout intérêt à montrer « patte blanche » afin que Bouteflika garde lui aussi toutes ses chances de son côté. Donne importante et incontournable s'il en est, la mouvance islamiste promet de peser lourd sur l'échiquier électoral ainsi que sur les résultats du prochain scrutin présidentiel. Le fait qu'ils y aillent en rangs dispersés n'en change pas les données fondamentales.