La décision, qualifiée de «politique» par la défense de Benflis, n'est même pas suspensive. C'est sans surprise aucune, pour les ob-servateurs au fait des pratiques du sérail, que la chambre administrative près le tribunal d'Alger a rendu hier, un verdict quasi intégralement favorable à la plainte déposée par un collectif de «redresseurs» mécontents. C'est aux environs de 8h 15, quelques minutes avant l'ouverture officielle du tribunal, que le président de la cour, Abdelkader Boubetra a prononcé son verdict face à une salle clairsemée, puisque les avocats, les militants et les journalistes commençaient à peine à arriver. Ainsi, «le 8e congrès est-il officiellement invalidé». Dans le même temps, «la justice ordonne la fermeture des locaux», avec sans doute pose des scellés, en plus du «gel des avoirs du FLN» ainsi que «l'arrêt de toute activité partisane en attendant que soit réglé le conflit interne à ce parti». Entendre par là, estiment les avocats de la défense, «une invitation quasi directe au mouvement de redressement pour la tenue de son propre congrès». Me Fatma-Zohra Chelouche, membre du collectif de la défense du FLN, qualifie le verdict de «décision triste pour le droit algérien»: ça l'est d'autant plus qu'il intervient quelques jours après un discours grandiloquent du président Bouteflika, ainsi que les assurances qui avaient été fournies à la défense par le juge Abdelkader Boubetra. Un autre avocat, venu de Béjaïa, Me Djahmine, va encore plus loin en parlant de «jugements à la carte». Le trublion Bourayou, estime, lui, qu'«il est temps de juger les juges», ajoutant que «nous assistons à une terrible dérive totalitaire qui met la République en danger et qui interpelle les consciences de tout un chacun». Le collectif de défense revient également sur l'heure matinale de l'énoncé du verdict, en liant cela à la tenue des élections sénatoriales. C'est ainsi, disent-ils, que pareille décision est susceptible d'influer sur le comportement électoral des élus appelés à renouveler la moitié de la composante du Conseil de la nation. Sur le plan procédurial, Me Chelouche, dont les hautes compétences sont reconnues par tout le barreau, considère que «la chambre administrative était tenue de prendre en ligne de compte dans son prononcé, le verdict du Conseil d'Etat qui proclamait l'incompétence de toutes les instances juridiques, quand il s'agit d'affaires internes, à un parti politique, n'attentant pas à l'ordre public comme c'est le cas présentement. Ceci d'une part. D'autre part, et même si le ministère de l'Intérieur s'est constitué partie civile, force est de rappeler que ce sont des particuliers, dont les identités n'ont même pas été clairement établies, qui se trouvent derrière cette plainte.» Or, la loi est on ne peut plus claire à ce propos, qui interdit la saisine des chambres administratives de la part de personnes physiques. De l'aveu même de Belkhadem, lors de sa conférence de presse, animée au centre international de presse, la plainte n'a pas été déposée au nom de la coordination (personnalité morale) dont il préside la destinée. La justice n'est pas allée jusqu'au bout des desiderata des redresseurs, en refusant malgré tout, de priver Ali Benflis et ses proches collaborateurs de ses droits civiques et politiques. La défense, qui souligne que «la décision n'est pas suspensive», craint que la notification par voie de huissier ne soit immédiatement suivie par l'évacuation des locaux du FLN par la force et la pose de scellés. Le collectif de la défense compte introduire une «défense à exécution», afin d'éviter ce scénario, tout en interjetant appel du verdict rendu, hier, par la chambre administrative. Elle ajoute que «la candidature de Benflis à la présidentielle n'est en rien compromise». Le contraire serait plutôt vrai. Hier, le secrétaire général du FLN, toujours jovial et souriant a reçu la visite de nombreuses personnalités venues le soutenir par principe. Parmi elles, figure Leïla Aslaoui qui nous indique avoir «honte d'être une ancienne magistrate», Slimane Chenine, cadre et député du MSP, Djillali Sofiane et Mohand Arezki Ferad, dirigeants du parti El-Badil, Ahmed Alioui, secrétaire général de l'Union nationale des paysans algériens, Abdelhak Brehri et le commandant Azzedine, dirigeants du Ccdr... etc. Sur le plan légal, et même si le jugement venait à être mis à exécution, Ali Benflis demeure le secrétaire général légitime du FLN puisqu'il l'était déjà avant la tenue du huitième congrès contesté, et qu'il jouit du précieux soutien de son prédécesseur à ce poste, Boualem Benhamouda. En revanche, les membres du bureau politique et ceux du comité central sautent de facto pour être remplacés par ceux qui étaient issus du septième congrès et que les redresseurs, comme nous l'indiquait la veille, Abdelhamid Si Afif, contrôlent à plus de 80%. Ainsi, même si Benflis refuse la tenue d'un huitième congrès bis, le retour au statut émanant des assises précédentes, permettent aux deux-tiers des membres du comité central de se passer de l'accord de leur «indésirable» secrétaire général. La reprise des séances plénières de l'APN, le 4 janvier prochain, pour le vote du projet de loi électoral, en présence des 199 députés du FLN, promet d'être riche en rebondissements.