La coordination ne souhaite pas que l'institution militaire vienne s'immiscer dans cette affaire même si les risques de dérapages ne sont pas exclus. Abdelaziz Belkhadem, coordonnateur du mouvement de redressement, a animé hier une conférence de presse au Centre international de presse, sous le couvert de la même association, comme il a eu la délicatesse de nous l'apprendre à la suite de l'une de nos questions. Une occasion pour lui d'expliquer à sa manière le verdict rendu la veille par la chambre administrative près la cour d'Alger et d'éclairer l'opinion internationale sur certains faits «faussement» appréciés, selon lui, par les médias. C'est ainsi, que pour lui, les membres du FLN, toutes tendances confondues, sont les organes d'un même corps, ce qui fait qu'il ne peut y avoir ni vainqueur ni vaincu. Une manière détournée d'ouvrir la voie du «repentir» aux «égarés» proches de Benflis, comme les ont qualifiés hier certains membres de la coordination, présents en force au CIP, en compagnie de nombreux ministres venus s'afficher auprès de notre chef de la diplomatie. Il en a profité, reprenant les grandes lignes d'un communiqué émanant de la réunion de la direction de la coordination, quelques heures après l'annonce du verdict, pour «lancer de nouveau un appel à un congrès rassembleur, sans la moindre exclusion, afin que le parti dépasse enfin sa crise». Une sorte de paix des braves est ainsi proposée à ceux, nombreux, qui sont demeurés fidèles à Ali Benflis. Il oublie au passage, dans cette singulière réminiscence de l'histoire, que le FLN avait rejeté de pareils compromis par le passé, et avait fini par triompher de toutes les adversités. Il semble que Belkhadem et ses hommes, qui disent totaliser 3754 élus locaux contre les 3174 restés fidèles à Benflis, montrent un visage aussi conciliant dans le but de ne pas se piéger eux-mêmes à la suite d'un verdict par trop sévère, y compris pour les redresseurs. «Le FLN a obtenu 23 sièges. Il est classé premier avec les 13 sièges obtenus par nous et les 10 autres des élus fidèles à Benflis.» C'est pour cette raison que le conférencier l'explique à sa manière. «Le gel ne concerne que les statuts et les directions qui avaient émané du 8e congrès. Le parti, lui, reste légal, et peut activer au niveau du parlement et des assemblées locales.» Ceci pour les questions juridiques. Mais sur le plan politique, si la logique veut que nous revenions vers le comité central et le bureau politique issus du 7e congrès, force est de souligner que leurs mandats respectifs ont expiré depuis longtemps. Quel poids auraient-ils donc face à un Benflis qui reste secrétaire général, même si la justice lui a dénié le droit de se réunir et d'activer politiquement avec l'ensemble de ses cadres? C'est pour cette raison que les redresseurs souhaitent qu'un compromis advienne, même au dernier moment. Belkhadem, qui élude les questions relatives au soutien de plus en plus ouvertement affiché en faveur d'un second mandat de Bouteflika, «ne voit aucun mal à ce que la question de la présidentielle soit inscrite à l'ordre du jour du futur congrès des redresseurs. Le dernier mot reviendra démocratiquement aux congressistes. S'ils décident qu'on ira vers des primaires pour choisir le candidat de notre parti, nous le ferons, aussi bien pour Bouteflika, pour Benflis que pour tout autre candidat.» La date de ces assises que leurs initiateurs hésitent encore à qualifier de congrès de redressement ou de rassemblement en attendant que la décantation s'opère ne saurait tarder à être annoncée, puisque Belkhadem parle de «phase finale» dans les préparatifs. Toujours est-il que dans tous les cas de figure, le congrès bis ne saurait avoir lieu après la présidentielle, comme il a été suggéré dans une question sans que Abdelaziz Belkhadem prenne la peine de le démentir. Les risques de graves débordements de rue ne sont pas non plus à exclure, devant les appels de plus en plus pressants lancés à l'institution militaire pour y mettre le holà. A cette question, Abdelaziz Belkhadem a préféré se cantonner dans les sentiers battus, qui n'engagent à rien, en rappelant les propos apaisant de Mohamed Lamari dans lesquels il mettait en avant la «neutralité de l'armée». Et de commenter que «ceux qui demandent la neutralité de cette institution et son retrait du champ politique sont les premiers à l'appeler quand ils sentent que les choses commencent à leur échapper, alors que la logique voudrait qu'ils se conforment au verdict des urnes et à la souveraineté populaire». Notre ultime question, à laquelle il a été très difficile au conférencier de répondre, concerne la finalité de tout cela. Puisque Belkhadem affirme avoir animé cette rencontre avec la presse pour expliciter les choses et éclairer d'un jour nouveau cette crise, «signe de bonne santé politique du FLN», force était de dire que les choses n'étaient guère plus claires, d'autant que bien malin aurait été celui qui saurait dire à qui seraient remis les documents du congrès bis, à la justice ou au ministère de l'Intérieur, afin que les «interdits» soient enfin levés. Après quelques propos confus, Belkhadem a fini par dire que lesdits documents seront remis aux deux ministères en même temps. Difficile de faire pire en matière d'imbroglio politico-juridique. Dire que les choses «sérieuses» ne font que commencer.