La démocratie par la voie du droit? Voire! C'est le thème de la journée d'étude consacrée dimanche, à Alger, à explorer les voies et moyens pour instaurer (et/ou arriver à) la démocratie. Il y a comme un défaut, toutefois. Peut-on décréter la démocratie? Il semble que non! La démocratie est un ensemble de faits, de pratiques, d'expériences et de références qui en fondent les assises. La Constitution la plus congrue ne fait pas la démocratie. Loin s'en faut. Nous avons les textes juridiques les plus adéquats en l'espèce - on a même entendu dire que l'on nous envierait à l'étranger - mais cela suffit-il pour que nous soyons en démocratie? Bien sûr que non. En tout état de cause, cela se discute. Mais sans doute que c'est là que se trouve le noeud gordien du problème. En effet, à l'exception du texte constitutionnel de 1976, adopté après un large débat public, toutes les lois fondamentales de ces dernières années ont été amendées et/ou révisées à huis clos, en petit comité et adoptées par un Parlement qui n'a pas eu à débattre du bien-fondé et de la pertinence de ses articles. Les lois les plus appropriées n'ont pas de signification particulière si leurs textes d'application, voire leur applicabilité, ne sont pas en phase. A ce propos, il est utile de noter l'exclamation étonnée d'un éminent juriste et constitutionnaliste algérien, Mohamed Bedjaoui, président (à l'époque concernée) du Conseil constitutionnel, qui, répondant à une interpellation d'un membre du Bureau politique du FLN (en 2004, en rapport avec l'annulation du 8e congrès du parti) avouait que son mandat n'était pas de dire «la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution». Il répondait à un questionnement de Mohamed Djeghaba, expliquant qu'«il est parfaitement absurde d'attendre d'une institution, si haute soit-elle, dès lors qu'elle ne possède pas une compétence générale et que toutes ses attributions sont cadenassées (...), qu'elle aille redresser des dysfonctionnements ou suppléer des carences qui ont, au fil des années, affaibli notre Etat». C'est on ne peut plus clair: le décret d'application des textes du Conseil constitutionnel ne lui permet pas de traduire correctement la Constitution. Ce qui lui a fait avaliser des actes allant à l'encontre de la loi. Relevons un fait exemplaire quant au dysfonctionnement signalé par M.Bedjaoui. En 2002, lors des élections législatives, seuls 2,5% des électeurs à Tizi Ouzou et 3% à Béjaïa ont voté. Or, le Conseil constitutionnel a validé ces deux scrutins, normalement nuls, dès lors qu'ils n'ont pu atteindre le pourcentage requis par la loi. Aussi, le droit peut s'avérer inefficace pour ouvrir la voie à la démocratie, au regard de la manière avec laquelle est compris le «droit» et les libertés y afférents et leur traduction sur le terrain, qui relèguent la loi en arrière-plan. En conséquence, l'Etat de droit, la bonne gouvernance et pour tout dire, la démocratie, pratiques qui font le citoyen, et créent la citoyenneté, sont demeurés virtuels. De fait, c'est de l'intérieur même de l'Etat que des actions sont diligentées pour perpétuer l'amalgame entre pouvoir et Etat, entre gouvernants et institutions, neutralisant de facto le fonctionnement normal des institutions de l'Etat. Ouvrant la journée d'étude et évoquant l'apport du Conseil constitutionnel aux libertés et aux droits de l'homme, son actuel président, Tayeb Belaïz, a affirmé qu' «il (le Conseil) avait toujours oeuvré au respect de la Constitution, à la préservation des droits et des libertés des citoyens, particulièrement à la faveur des mutations qu'a connues l'Algérie dans différents domaines». Un satisfecit que réfute, cependant, l'état actuel de la gouvernance et des libertés en Algérie. Ainsi, la gouvernance, les libertés, les droits de l'homme perdent leur sens premier et leur signification s'ils restent figés et n'illustrent pas les pratiques de tous les jours, voire l'évolution de la société. Il n'est donc pas évident d'affirmer qu'un texte de droit, aussi juste soit-il, puisse suffire à lui seul à créer la démocratie, et encore moins le fait de décider ou d'imposer la «démocratie». La démocratie, ce sont ces petits détails qui font les rapports entre les hommes, entre les hommes et les gouvernants, entre ces derniers et leur environnement sociétal. Cqfd!