Il y a quelques jours, au lendemain du décès du président gabonais, Omar Bongo, et l´éventualité de la prise de pouvoir par son fils, Ali Ben Bongo, nous déplorions alors la propension prise, en Afrique notamment, d´introniser le «rejeton» à la place du père défunt, donnant au fils la république en «héritage». La décision de la Cour constitutionnelle du Niger d´annuler le référendum programmé pour le 4 août prochain, par le président Mamadou Tandja, en vue d´un éventuel amendement de la Constitution pour lui donner droit à un troisième mandat, met quelque peu un bémol à notre analyse et nous rassure quant à la solidité de certaines expériences démocratiques dans le Continent noir. Et c´est heureux pour l´Afrique que l´exercice du pouvoir et l´alternance qui y préfigure aient encore un sens. Après l´expérience démocratique réussie en Afrique du Sud et au Mali, singulièrement, nous nous attendions à ce que le continent africain entre enfin en phase de maturité et fasse de la démocratie et de l´alternance politique l´unique démarche, sine qua non, pour l´accès au pouvoir. Il n´en a rien été lorsqu´il a été constaté que, a contrario, plusieurs pays africains sont revenus sur la contrainte des deux mandats en amendant les Constitutions de leurs pays. Un pas en arrière regretté et mal vu par les intelligentsias et les classes politiques africaines. En s´opposant à l´organisation d´un référendum d´amendement de la Constitution, la Cour constitutionnelle du Niger remet quelque peu les choses à l´endroit et montre qu´il ne faut pas, tout compte fait, désespérer de l´Afrique, où il y a encore un certain sens du devoir et de la pratique du fait politique. A la bonne heure! sommes-nous tentés d´écrire. De fait, dans son référé, la Cour constitutionnelle nigérienne a été très dure envers les promoteurs de l´amendement de la loi fondamentale du pays en estimant que «le décret (de référendum) consacre un véritable détournement de pouvoir en ce sens que le président de la République s´est érigé en constituant, en violation de la Constitution en vigueur», fustigeant une «procédure à peine déguisée de remise en cause d´une Constitution qu´il (le président) a, du fait de son serment, l´obligation absolue de respecter et de faire respecter». Voilà un langage inusité de la part de constitutionnalistes africains qui n´ont pas toujours eu, à tout le moins, une lecture dans la lettre et dans l´esprit, des textes fondamentaux de leurs pays. La prise de position de l´institution gardienne de la Constitution au Niger, vient, outre réconforter la classe politique africaine, nous administrer qu´en Afrique la séparation des pouvoirs est (encore) possible pour peu que les hommes chargés de la bonne application des textes fondamentaux du pays s´en tiennent à leur mandat sans zèle excessif qui dénature la pratique de la bonne gouvernance en remettant en cause l´alternance au pouvoir. C´est donc du Niger, l´un des pays les plus pauvres du Continent noir, que nous vient un exemple qui consolide en fait l´Etat de droit dans ce pays et plus généralement en Afrique. Il fallait relever cette action de la Cour constitutionnelle nigérienne qui montre que l´expérience démocratique tentée ailleurs en Afrique, n´a pas été perdue pour tous. L´Afrique qui restait sur une série de coups d´Etat avait besoin de cette bouffée d´oxygène qui montre que l´Etat de droit peut avoir pignon sur rue et n´est pas étranger à notre continent.