Il soutient que Bouteflika est la cause principale de la dégradation de la scène politique nationale. «Le président-candidat asservit l'administration, intimide des commis de l'Etat et les élus, déstabilise les partis politiques et les organisations de la société civile qui ne lui prêtent pas allégeance et instrumentalise la justice.» Tout en appréciant la neutralité exprimée de l'armée, Ali Benflis n'en reste pas moins sceptique. «Il convient d'apprécier la portée et les effets de cette position à la lumière des violations graves que commet le président-candidat pour s'assurer un deuxième mandat», a-t-il déclaré. D'ailleurs, il laisse sous-entendre qu'il est contre cette position de l'armée en justifiant par le fait que «la neutralité de l'armée risque de permettre la réalisation d'un dessein qui se trouve à l'opposé de l'objectif recherché». Pour Benflis, cette neutralité n'a de sens que si «l'ensemble des structures de l'Etat respecte la même règle». Allusion faite à l'instrumentalisation des walis et du gouvernement, dont le départ est exigé par les différents candidats à la présidentielle». C'est pourquoi il exhorte la classe politique, la société civile et toutes les forces qui adhèrent à l'idéal de démocratie à oeuvrer pour créer les conditions d'un scrutin transparent et régulier «car en l'absence de ces conditions, nous assisterons à une parodie d'élection qui plongera l'Algérie dans une lourde période d'incertitude». Commentant l'initiative prise par certaines personnalités politiques et à laquelle il a pris part, Benflis dira: «Cette initiative participe d'une conviction largement partagée aujourd'hui en Algérie, celle relative aux intentions du président-candidat de se confectionner une élection «sur mesure» et je crois qu'il est du devoir de chaque Algérien qui se réclame de la démocratie de s'y opposer.» C'est dans ce sens qu'il reste déterminé à se présenter à la prochaine élection présidentielle. «Je ne peux accepter que mon pays soit livré à la médiocrité et que la société algérienne soit gouvernée selon des modes qui briment les libertés», défend Ali Benflis dans cet entretien. Ce dernier affirme que sa candidature à la présidentielle est dictée par un souci purement politique: «Entre le président Bouteflika et moi-même, il n'y a aucune divergence d'ordre personnel, mais il y a une différence nette et tranchée dans la perception que chacun de nous développe au sujet du mode de gouvernance», avant de soutenir: «Je me présente parce que je suis convaincu que mon pays dispose de tous les atouts pour devenir une démocratie moderne.» En outre, Benflis accuse le président de la République de restreindre le champ des libertés d'expression, de violer les principes de la neutralité de l'administration, de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice. A la question de savoir quelles sont ses relations avec les «décideurs», Ali Benflis rejette catégoriquement ces allusions sur la base de l'expérience qu'il a eue de la gestion des affaires de l'Etat. «L'Algérie n'est pas l'otage du bon vouloir d'un groupe d'influence que la presse a affublé du qualificatif de ‘‘décideurs''.» «L'Algérie a des institutions qui fonctionnent certes imparfaitement, mais qui fonctionnent quand même et que le processus de décision dans mon pays, avec ses insuffisances, n'est pas fondamentalement différent de ce qui est usité ailleurs», a-t-il enchaîné. Revenant sur le gel judiciaire du FLN, l'ancien chef de gouvernement souligne que «le président-candidat porte la lourde responsabilité de tous les dérapages qui peuvent en résulter».