L'interdiction du voile à l'école est exploitée par des milieux islamistes qui cherchent à conforter leur influence. Le projet de loi contre les signes religieux «ostensibles» à l'école est l'occasion pour les organisations islamistes de redonner de la voix. Pour la deuxième fois, des manifestations ont été organisées à Paris et dans des villes de province pour, disent les initiateurs, «dénoncer la stigmatisation» des musulmans de France et défendre les «libertés religieuses». À l'origine de la mobilisation d'hier, se trouve un groupuscule alsacien baptisé Parti des musulmans de France (PMF), dirigé par Mohamed Latrèche, un commerçant d'origine algérienne et qui ne coopte qu'une poignée de partisans. Connu pour ses déclarations virulentes et son militantisme antisioniste - le verbe dérive souvent vers l'antisémitisme - le PMF tente de tirer profit du sentiment de rejet ressenti par les voilées et les mâles qui trouvent un exutoire à leur situation sociale. Sous le couvert de défense de leur religion, les banlieusards mêlent souvent leur malaise social et les résonances du conflit israélo-palestinien. Le raz-de-marée promis par le président du PMF n'a pas eu lieu à Paris, où quelque 5000 personnes seulement ont défilé entre le métro Parmentier et la place de la Nation, criant «Non à l'islamophobie», «Ni Chirac, ni Statsi (président de la commission sur la laïcité), le voile, on l'a choisi», ou «Ni dupe ni soumise», en référence au slogan des filles des banlieues «Ni pute, ni soumise». La revendication dépasse en fait le cadre du périmètre du projet de loi qui vise à mettre l'école à l'abri de l'agitation religieuse. Les quelques incidents enregistrés sur le parcours du cortège ont été déclenchés par les déclarations de ce dernier qui fustigeait dans le mégaphone les discriminations sociales. La mobilisation n'a cependant pas dépassé celle de la manifestation du 21 décembre dernier. A Marseille, les musulmans n'ont pas déferlé sur la ville non plus (moins de 2000 manifestants), moitié moins à Mulhouse (Alsace), Lille, Bordeaux, Nice, Caen ou Poitiers. À Toulouse, l'appel n'a drainé qu'une centaine de marcheurs. Dans Libération de jeudi, Mohamed Latrèche avait déclaré que «si on réunit moins de gens que le 21 décembre, ce sera un échec ; plus, ce sera un succès». Le président du PMF n'a pas de quoi pavoiser, même s'il n'essuie pas un franc échec. La manifestation a, par ailleurs, fissuré l'édifice du Conseil français du culte musulman (Cfcm), mis sur pied il y a quelques mois seulement. L'Union des organisations islamiques de France (Uoif), proche des Frères musulmans, s'est ralliée à l'appel in extremis alors que le président du Cfcm, Dalil Boubakeur, avait déconseillé de manifester pour ne pas «effrayer les bourgeois». Le texte de loi soulève une contestation au-delà des musulmans fondamentalistes et touche jusqu'aux non-pratiquants qui se sentent désignés comme «population à problème». C'est le cas, par exemple, du Conseil des musulmans de France (CDM) très proche de Nicolas Sarkozy. Largement composé de gens ouverts et généralement de niveau universitaire, le CDM s'oppose au recours à la loi, «alors qu'il existe un arsenal juridique» capable de régler les cas litigieux. Par ailleurs, une partie des syndicats de l'éducation nationale, notamment ceux marqués à gauche, prônent la même position. Curieusement, c'est le très médiatique et influent islamologue Suisse, Tariq Ramadan, qui a appelé à ne pas répondre à l'appel du PMF. Dans un texte rendu public, il a mis en garde contre les «groupuscules radicaux, sectaires et agressifs» qui essaient de tirer profit du mécontentement des musulmans pour se mettre en avant. Le projet de loi sur les signes religieux doit être examiné par le Conseil le 22 janvier et voté par l'Assemblée nationale le 3 février. Il entrera en vigueur à la rentrée de septembre 2004. Mais le mot «ostensible», qui remplace celui d'«ostentatoire» promet de nouvelles polémiques sur l'interprétation du texte. Certains lui préfèrent le mot «visible». La République n'en a pas fini avec les religions. Par ailleurs, des manifestations - très limitées - ont été également organisées devant les ambassades françaises à Londres, Berlin, Ankara, Amman...Un regroupement s'est même tenu à Bagdad. De notre Bureau à Paris