Les 24 délégués doivent arracher la signature par Ouyahia d'un accord sur la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur. C'est dire que la tâche assignée à cette délégation est loin d'être une sinécure. Ce n'est qu' aux environs de 16 h hier que les 24 ont emprunté le chemin qui mène au palais du gouvernement. Avant ce moment décisif, la délégation a été appelée à faire le serment devant la plénière du conclave qui se déroulait à la salle Ibn Khaldoun. Ainsi, le porte-parole des 24, Belaïd Abrika, s'est engagé solennellement à ne pas trahir leur mission et à rester fidèles au sang des martyrs du Printemps noir. Tout en soulignant qu'il n'y a aucune différence entre les 24 et le reste des délégués, Abrika indique qu'«il ne s'agit pas d'une rencontre de complaisance mais de lutte et de combat». Le même orateur continue: «Notre feuille de route consiste à savoir quand et comment le gouvernement va procéder à l'application de la 6e incidence.» Ce n'est pas tout, la figure de proue du mouvement citoyen persiste et signe: «La plate-forme d'El-Kseur est scellée et non négociable», en exigeant sa satisfaction «toute entière». En marge du conclave, Kacimi de Bouira et membre des 24 dira: «La 6e incidence sera le point essentiel des débats avec Ouyahia. Il faut que le chef du gouvernement nous donne une échéance pour suspendre ces élus sinon on va les chasser de Kabylie.» Concernant la revendication épineuse du départ de la gendarmerie, Benouaret de Béjaïa et membre, lui aussi, des 24 précise : «D'abord, on demande le départ de ce corps de la région de Kabylie, ensuite, il faut redéfinir la mission de la brigade de gendarmerie au niveau national et, enfin, la dissolution pure et simple de ce corps.» S'agissant de la mise du pouvoir exécutif sous l'autorité des élus, le délégué de Béjaïa déclare: «La revendication concerne tout le pays.» Son collègue de Boumerdès, Mzalla, enchaîne: «Cette rencontre est l'aboutissement d'un bras de fer. La revendication citoyenne est incontournable.» Sur la révocation des élus, notre interlocuteur dira: «Nous demandons son application le plus tôt possible.» Croyant dur comme fer à la mise en oeuvre du document d'El-Kseur, le délégué de Boumerdès estime que la dynamique citoyenne de Kabylie «constitue un mouvement de rupture et non d'accommodation.» Loin de concurrencer les partis politiques, Mzalla remarque que «le mouvement vise à réhabiliter la classe politique et non à prendre le pouvoir. Nous attendons même qu'il y ait une collusion entre le mouvement et les partis politiques.» Par ailleurs, notre interlocuteur voit d'un bon oeil la neutralité de l'armée en réclamant que «le militaire ne doit pas gérer le civil». Sur le volet économique, le membre des 24 rappelle: «Nous ne voulons pas de l'assistanat mais la réhabilitation du tissu économique de la région.» Le plus sceptique est le père de la première victime du printemps noir, Guermah, qui annonce: «Il faut prendre ses précautions car nous n'avons pas confiance en ce pouvoir, nous le connaissons depuis 40 ans.» Pour Guermah, «cette rencontre est une manière de tester la volonté du pouvoir» en concluant avec fermeté: «Nous ne changeons pas notre position, on ne va pas baisser les bras, on continue le combat.» En tout cas, «le pouvoir doit assumer ses responsabilités s'il refuse la satisfaction de la 6e incidence», tient à prévenir Abrika. Unanimes, les délégués insistent: «Pas d'élections sans la plate-forme d'El-Kseur.» A voir la détermination de la délégation des 24, on est enclins à dire que le chef du gouvernement, homme des grands dossiers, aura vraiment du pain sur la planche. Car, il faut le dire, le mouvement citoyen a décidé de tenir la bride haute en exigeant cette fois-ci du concret et non des promesses. Le chef du gouvernement, chargé par le président de la République, a fait déjà un geste de bonne volonté en satisfaisant les 5 incidences. Ira-t-il jusqu'au bout avec les archs? Difficile mais pas impossible. L'avenir de toute la Kabylie, et donc de l'Algérie, se dessinera ces trois jours.