Aucune structure économique n'est venue s'installer pour essayer de résorber un chômage record. La décision des habitants d'Ath Bouali, dans la daïra de M'Chedallah de recourir à l'occupation des locaux de la direction d'Algérie Telecom n'est en réalité qu'un aboutissement logique à des années d'oubli, de marginalisation de toute une région de la wilaya de Bouira. Sans prétendre avoir la capacité de donner raison ou tort à ces manifestants, il est plus qu'évident que comparativement à d'autres régions de la wilaya, celle de l'est a de tout temps était mise à l'écart. Les milliards de dinars injectés dans les divers plans de développement ont été consacrés aux parties nord, ouest et sud de Bouira. Les inégalités sont de plus en plus concrètes. Le gaz de ville est arrivé et c'est tout à l'honneur des responsables, jusqu'aux limites de la wilaya de Médéa alors qu'un village situé sur les bords de la RN5 attend son tour depuis que l'Algérie a retrouvé son indépendance. Ath Bouali est un village fixé en amont de la rive est de l'oued Essahel. Relevant de la commune de Thaourirt Nath Mansour, il continue à vivre au rythme des années de braise. Depuis l'indépendance et hormis une école primaire, ce village est resté à son état initial, celui d'une Algérie d'antan. Aucune structure économique n'est venue s'installer pour essayer de résorber un chômage record. Parcequ'ils tiennent à leur région, les jeunes perpétuent un métier millénaire mais rude: la taille de la pierre. Exposés aux risques des diverses maladies, travaillant plus de 15 heures par jour, ils façonnent, accroupis, des rocs dans les carrières dont regorge la région pour donner forme à des pierres qui iront orner les luxueuses villas des nantis et des chanceux des autres contrées du pays. Eux crèchent encore et toujours dans des taudis qui n'offrent aucune vie décente. Même le vestige qui raconte l'histoire de ce pays, le fort colonial des tortures, subit le sort des humains. Laissé à l'abandon, il résiste aux aléas de la nature, hiver comme été, quand ailleurs on débourse des milliards pour un fort turc avec lequel on veut faire admettre et rendre évident une appartenance à cette ethnie, venue coloniser le peuple berbère d'Algérie. Comme pour rappeler et narguer ces populations frondeuses, avides de liberté à travers les siècles, la station de pompage de pétrole, située sur le territoire de la commune profite à la wilaya de Béjaïa où est versé le gros des taxes et où est recrutée la majorité des personnels. En occupant le siège d'Algérie Télécom pour demander d'être connectés au monde, les Ath Bouali crient leur détresse à des responsables qui les ont oubliés. Ils demandent des structures pour leurs enfants, de l'emploi pour les jeunes, des logements, «ces besoins sont garantis par la Constitution» nous affirmera un jeune d'une quarantaine d'années qui écume les alentours d'une escale routière à la recherche de petits boulots quotidiens. Le contournement de la localité avec la mise en service de l'autoroute a mis un terme à toutes les opportunités sur l'ancienne RN5. Les opportunités existent dans le domaine de l'agriculture et de l'arboriculture. «Les pêches de la région sont mondialement connues. Qu'on nous donne la possibilité d'en produire», nous affirmera notre interlocuteur. Des aides auraient été octroyées à des fellahs pour la plantation d'oliviers dans des zones arides du Sud quand à Ath Bouali les gens continuent à exploiter des arbres hérités et légués d'une famille à une autre. L'eau est en abondance grâce au barrage de Tilesdit, les terres aussi. Il ne manque qu'une bonne volonté pour sortir cette région de son inertie dictée par des répartitions inégales entre les citoyens d'un même pays, d'une même wilaya. Parce que son passé est glorieux, la région dans sa totalité mérite une attention à l'image de ses semblables de l'Ouest, du Sud et du Nord même si elle n'a aucun député ou sénateur pour rapporter ses souffrances à qui de droit. L'action de rue menée dernièrement est un signe que les choses sont arrivées à un point d'une extrême gravité. Le cri de détresse est lancé.