Des sanctions contre des magistrats indélicats ont bel et bien été prises Si Ouyahia continue à ce rythme la mise en oeuvre de la réforme de la justice, le Président de la République sera freiné dans sa refondation de l'Etat. Pierre angulaire de la réforme des institutions de l'Etat, la justice, même si elle accuse un léger mieux tarde à retrouver ses marques. La corruption, le clientélisme, le déni de droit et l'incompétence ont, cependant, reculé mais cela reste nettement insuffisant. La thérapie à doses homéopathiques, adoptée par Ouyahia, a ses raisons que la raison d'Etat ne connaît pas. A la décharge du garde des Sceaux, des sanctions contre des magistrats indélicats ont bel et bien été prises et continuent de l'être. Mais, au-delà de l'expression claire de la profondeur du mal ainsi révélé, la manière feutrée d'agir du ministre de la Justice et ses réticences à dépasser le stade des sanctions administratives et à continuer l'action jusqu'aux poursuites pénales sont appréciées de façon mitigée. Pour ceux qui trouvent quelques justificatifs à la démarche de Ouyahia, celui-ci veut, à tout prix, éviter la méthode musclée qui verra ses détracteurs crier à la chasse aux sorcières et mettre par-là en péril la sérénité indispensable à l'exercice de la justice. Face à eux, et en plus grand nombre, tous ceux qui font passer l'intérêt de la nation avant celui d'un quelconque de ses segments fût-il celui de la justice. A leurs yeux, le rythme pris par la méthode Ouyahia est un luxe que l'Algérie, dans l'état de déliquescence où elle se trouve, ne peut se permettre. L'urgence de la réhabilitation de l'Etat dictée par tous les défis intérieurs et extérieurs déjà lancés telle la crise économique ou la mondialisation impose des solutions en totale conformité. Sans état d'âme. Sans calcul électoraliste. En un mot sans ménagement d'aucune partie. Surtout que dans le même temps une démarche plus énergique et exemplaire a pour effet certain l'adhésion et la confiance retrouvée du citoyen sans laquelle aucune restauration de l'Etat n'est possible. Ouyahia suspend des magistrats, procède à leurs mutations et s'en tient là. Aucune poursuite pénale. Il semble clair que pour lui, un magistrat est exempté de répondre de ses actes devant le peuple représenté par la justice. Une sorte d'immunité tacite. Une immunité proche de l'impunité, car les délits de certains magistrats sont patents même si en faire la preuve exige une autre approche. Comment, en effet, un juge peut-il justifier un train de vie hors normes comparé à son revenu? Comment peut-il rouler carrosse et loger dans de luxueuses demeures avec sa seule mensualité? Les citoyens ne sont pas dupes, devant par exemple le spectacle de voitures rutilantes alignées dans le parking par les magistrats aux abords du palais de justice. A quel magistrat a-t-on demandé de justifier son (ses) compte(s) bancaire(s) ? Il est, en effet, plus grave pour l'Etat de démettre simplement un magistrat coupable de malversations et de le laisser s'en aller faire fructifier «ses gains». Tout se sait surtout qu'aucune gêne ni pudeur n'affectent les mis en cause. C'est même la parade. Au vu et au su de tout le monde. Comment dès lors justifier la méthode frileuse de Ouyahia? Il est urgent de mettre de côté tout autre considération et traduire en justice les magistrats coupables de délits. Le premier et incontestable délit découle de leur prestation de serment. Donc et avec un peu de bonne volonté, le ministre de la Justice pourrait faire inculper une bonne charrette de magistrats parmi tous ceux qui ont été sanctionnés par le Conseil supérieur de la magistrature. Pour les citoyens qui attendent. Pour l'Algérie qui crie au secours!