La stratégie maghrébine n'a pas porté ses fruits Il envisage de ne produire que des programmes algériens destinés exclusivement à un public algérien. Le projet audiovisuel du Grand-Maghreb, qui avait été lancé en grande pompe par Nabil Karoui avec la chaîne Nessma en 2007, vient de tomber à l'eau. Suite aux différentes difficultés financières et politiques qu'a rencontrées la chaîne de télévision privée tunisienne, le P-DG de Nessma et actionnaire majoritaire dans la chaîne, envisage d'abandonner son projet de chaîne maghrébine et de lancer, dans les prochains mois, une version algérienne de Nessma TV. Il envisage de ne produire que des programmes algériens destinés exclusivement à un public algérien. Nabil Karoui souhaite en réalité différencier ses programmes et ses faisceaux. Nessma découvre que les chaînes de télévision ont un ancrage local pour mieux répondre à leur audience. Nabil Karoui, le directeur de Nessma, souhaite, désormais, une grille différente pour chaque pays. Selon lui, avec les conséquences du printemps arabe, la façon de faire de la télévision a changé. La stratégie maghrébine n'a pas porté ses fruits. Les annonceurs et les téléspectateurs n'ont pas apprécié le mélange des genres et des programmes. Le public algérien ne regarde que les programmes produits et animés par les Algériens et vice versa pour les Tunisiens et les Marocains. Lors de son passage sur la chaîne marocaine 2M, Nabil Karoui a ouvertement signé le décès de son projet audiovisuel maghrébin, en déclarant à l'émission de Leila Ghandi que le «Maghreb arabe» est juste une illusion et que personnellement, il ne reconnaît pas son identité, parce qu'elle n'existe pas dans la réalité et que l'Afrique du Nord n'est pas arabe. Les premiers changements devraient apparaître peu avant le Ramadhan 2013, affirme le patron de la télévision tunisienne. Nessma TV diffusera alors trois grilles différentes vers la Tunisie, l'Algérie et le Maroc. Selon certaines sources à Tunis, la chaîne Nessma sera prochainement divisée en trois télévisions. Une Nessma Algérie, une Nessma France et une Nessma Orient. Selon toujours nos sources, chaque télévision aura son actionnaire et sa propre ligne éditoriale. Ce qui est certain, est que désormais Nabil Karoui ne s'occupera que des versions algérienne et tunisienne de Nessma alors que l'autre actionnaire, Tarek Ben Ammar, lancera prochainement une version française de Nessma, en partenariat avec Canal+ et le groupe Europa appartenant au producteur et réalisateur Luc Besson. La grande question, c'est l'avenir de l'autre inclinaison: le Maroc et surtout l'Orient. Selon certaines sources généralement bien informées, c'est le milliardaire saoudien Al Walid ben Talal, qui pourrait entrer en actionnariat avec Nabil Karoui. Il pourrait récupérer les actions de Silvio Berlusconi, entre autres. La diffusion, il y a quelques jours, d'une interview d'Al Walil ben Talal, dans un enregistrement extérieur à la Tunisie et avec des journalistes orientaux, tend à valider cette thèse. Nessma TV a accepté la diffusion de cette interview pour faire passer le message très politique du milliardaire saoudien sur la faillite des mouvements de contestation et le danger de l'explosion de la société arabe. Autrement dit, il était chez lui. Al Walid Ben Talal détient des parts dans plusieurs groupes médiatiques arabes comme Rotana ou dans les médias avec 5,5% de News Corporation, mais aussi AOL, Motorola, eBay et bien d'autres. Mais au-delà de sa fortune, Al Walid ben Talal ben Abdelaziz Al Saoud, est une autorité morale plus importante et plus riche que Silvio Berlusconi. Selon une source proche du dossier, Berlusconi s'est désengagé de Nessma TV depuis l'arrivée des islamistes au pouvoir en Tunisie. Ce dernier s'est désengagé du projet tunisien, car dès le départ, il n'y croyait pas, affirme un observateur. En parfait homme d'affaires, il va se retirer. Les mauvais chiffres de la chaîne l'ont également encouragé. De son côté, Tarek Ben Ammar, qui a sorti la tête de l'eau en achetant la télévision de Sawaris ON TV, envisage de cibler la communauté arabe en France, en lançant des programmes communautaires. Il n'est pas exclu que le dossier Nessma TV France soit déposé au niveau du CSA français. Tarek Ben Ammar, qui a racheté le réseau de télévision égyptien Ontv, détient aussi 14% du capital de la chaîne de télévision bretonne TV Breizh, qui possède d'excellentes entrées dans le PAF (Paysage audiovisuel français). Il ne faut pas oublier que Tarek Ben Ammar est également conseiller du prince saoudien Al Walid ben Talal. Ceci explique cela. Le lancement de Nessma TV France prévu en 2013 cible les 9 millions de Français d'origine arabe ou de confession musulmane, dont 3 millions d'Algériens, 1,5 million de Marocains et 700.000 Tunisiens. Dans toute cette affaire, le lancement d'une chaîne est aussi une affaire commerciale. Si Nabil Karoui a choisi de créer une télévision à la sauce algérienne, ce n'est pas pour l'amour de l'Algérie, mais bien pour l'immensité du marché publicitaire algérien. Créer une version algérienne de Nessma est, en réalité, pour sauvegarder un acquis commercial acquis depuis plus de 10 ans en Algérie. Mais même s'il multiplie les recettes publicitaires en Algérie, il sera impossible pour lui d'exporter ces recettes en Tunisie ou au Luxembourg, là où est administrativement déclarée Nessma TV et qui sert depuis longtemps de paradis fiscal.