La sécurité s'avère être de plus en plus le talon d'Achille des armées d'occupation de la coalition. Le double attentat suicide d'Erbil, le jour de l'Aïd, contre les permanences des partis PDK et UPK vient, encore une fois, montrer que la situation sécuritaire prévalant en Irak reste très précaire, que les armées d'occupation américano-britannique ne parviennent pas, malgré leur grand déploiement et la mobilisation de leurs forces, à la maîtriser. Les attentats d'Erbil ont été parmi les plus meurtriers commis en Irak depuis son occupation par les forces de la coalition. Selon les sources hospitalières, hier, il y aurait eu 68 morts, alors que le journal kurde Khabar, qui publie une liste nominative, fait état de 71 morts. C'est, en tout état de cause, l'attentat le plus sanglant depuis celui de l'été dernier, à la voiture piégée, contre une mosquée chiite à Najaf et qui coûta la vie au chef du Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak (Csrii) Mohamed Baqer Hakim et avec lui celles de 83 personnes. La répétition de ces coups d'éclat de la guérilla irakienne met à mal les assurances prodiguées par l'état-major américain, impuissant, par ailleurs, à établir le minimum de sécurité auquel ont droit les populations irakiennes. C'est, de fait, l'une des responsabilités des forces d'occupation de la coalition qui ont le devoir de garantir la sécurité du peuple irakien, première victime de la situation induite par l'occupation américano-britannique. En fait, le double attentat de dimanche est une véritable catastrophe pour les deux partis kurdes du PDK et de l'UPK qui ont payé un lourd tribut, perdant respectivement neuf et six hauts responsables. Cependant, le harcèlement des forces d'occupation se poursuit comme c'était le cas hier avec l'attaque à la roquette contre des bases américaines installées à l'aéroport international de Bagdad créant la panique parmi les troupes US. De fait, ce n'est pas la première fois que l'aéroport de Bagdad est la cible d'attaques de la guérilla, forçant même en novembre dernier, un Aibus A-300 de la compagnie DHL à faire un atterrissage d'urgence, alors que le mois dernier, un missile rata de peu l'avion transportant le ministre géorgien de la Défense, David Tevzadzé. C'est dire que la situation est loin d'être sous le contrôle des armées de la coalition. D'autant plus que la persistance de ces attaques et attentats portent en eux les germes de la guerre civile pour peu que les Kurdes et les chiites, principales cibles des attentats, décident de se faire justice. De fait, l'Irak se trouve aujourd'hui sur une poudrière et ce n'est pas la police irakienne, à laquelle l'état-major américain compte confier plus de responsabilités, quoique se trouvant dans son élément, qui a les moyens de désamorcer la bombe à retardement posée par l'invasion de l'Irak par les forces de la coalition américano-britannique. Justement, les raisons-mêmes qui ont justifié l'an dernier la guerre en Irak se diluent chaque jour un peu plus face à la vérité du terrain. Après les experts de l'ONU, qui n'ont trouvé aucune arme de destruction massive, ce sont les experts Américains et Britanniques de la coalition qui confirment : l'Irak ne dispose pas d'armes prohibées par les Nations unies. C'est David Kay, l'expert américain, démissionnaire de son poste de chef des inspecteurs de la coalition en Irak (IGS) qui l'affirme «Je ne pense pas qu'elles existent», prenant à contre-pied les assurances des responsables américains et britanniques qui affirmaient obstinément que le régime de Saddam Hussein dispose d'un armement non conventionnel qu'il pouvait activer, dixit Tony Blair, en 45 minutes. Si ces armes de destruction massive n'existent pas, pourquoi les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont-ils décidé, contre l'avis de l'opinion publique internationale d'envahir et d'occuper l'Irak? Pour quel dessein? Face aux pressions de leurs opinions publiques locales et de la communauté internationale qui veut savoir, le président américain, George W.Bush, a fini par se résigner à désigner une commission d'enquête indépendante chargée de faire la lumière sur les tenants de cette affaire des ADM qui donna aux Etats-Unis et à la Grande Bretagne de fouler aux pieds toutes les lois et traités internationaux en décidant en toute «souveraineté» de porter la guerre en l'Irak. Ainsi, le président Bush a annoncé, certes mis sur la défensive par les résultats peu probants des recherches et aussi forcé par son opinion nationale à quelque mois de l'élection présidentielle, la création d'une commission d'enquête sur les ADM indiquant: «Je crée une commission d'enquête indépendante formée de représentants des deux partis (républicains et démocrates) pour analyser où nous en sommes, et ce que nous pouvons faire pour mieux lutter contre le terrorisme.» C'est également la voie qu'à suivie le Premier ministre britannique Tony Blair qui s'est résigné, lui aussi, à la mise sur pied d'une commission analogue chargée de la même mission de dire pourquoi et comment les renseignements ont induit en erreur les politiques, ces derniers s'étant appuyés sur les informations des premiers pour justifier la guerre en Irak. Mais le voile finira par se lever sur les raisons véritables qui ont conduit Américains et Britanniques à violer les lois et les droits internationaux pour envahir et occuper le deuxième grand producteur de pétrole du monde.