Artiste, avant-gardiste, Alan Stivell aime mélanger les choses qui paraissent au départ antinomiques. Il est le symbole ou l'exemple vivant que des musiques aussi différentes les unes que les autres peuvent se mélanger et s'accorder en parfaite symbiose. Alan Stivell sillonne depuis plus d'un demi-siècle la planète pour faire découvrir au public son univers celtique. Et pas seulement, puisque la musique celtique très lointaine de par l'histoire a traversé les mers et les frontières. Alan Stivell vit à Paris. Il est breton, issu de «l'émigration» comme des milliers de personnes qui ont quitté la Bretagne à une époque pour aller s'installer ailleurs. «J'ai vécu à cheval entre deux cultures», dit l'artiste. Forcément, il est «la convergence de plusieurs influences» dont la plus importante est la musique celtique. «La Bretagne est une presqu'île qui fait partie de l'archipel irlando-britannique. On est au fond un pays frontière entre la France, l'Europe continentale, les îles britanniques, le monde anglo-celtique, les Irlandais, les Ecossais et les Gallois...», tente-t-il de nous faire comprendre. Mais ce qui est intéressant à souligner, c'est que Alan Stivell ne s'est jamais cantonné à sa seule musique «originelle» mais ses oreilles ont toujours été ouvertes à d'autres musiques, maghrébines ou autres qu'il pouvait entendre dans un café, à la radio ou dans son quartier...«C'est presqu'un problème pour moi. Je n'ai pas de goût particulier dans le sens où toutes les formes de musique du monde m'attirent», dit-il presque naïvement. Alors, Alan Stivell ingurgite tout. De la musique classique indienne à la musique électronique, ethnique, jazz ou rock...Il a néanmoins entamé, enfant - il faut bien commencer par la base - des études en musique classique. C'est son père qui a voulu ressusciter la harpe celtique, un instrument disparu depuis plusieurs siècles. L'enfant devenu grand, est un homme de son temps tout en restant tourné ver le futur. «J'avais une fascination pour l'anticipation», confie-t-il. Son rêve qui deviendra réalité est de construire des harpes du 21e siècle (dessinées par ses soins), alliant la pureté et la beauté du son acoustique aux accords de l'électronique. Cela ne lui paraît pas du tout contradictoire, bien au contraire! «J'aime depuis toujours mélanger des choses qui paraissent au départ antinomiques. J'aime le mélange de la chaleur de l'acoustique à la froideur de l'électronique. Je ne vois pas pourquoi il faudrait rejeter l'un contre l'autre!», s'exclame Alan Stivell. La musique celtique proche de la musique berbère? En effet, il y a beaucoup de similitudes entre les deux lorsqu'on les écoute. Et pour illustrer cette correspondance musicale, Alan Stivell se rappelle avoir invité à la fin des années 70, Djurdjura, un groupe de algériennes qui sont venues chanter en kabyle sur un de ses albums. Idir sera plus tard un de ses invités de marque avec lesquels la magie de la fusion opère tout naturellement. Alan Stivell chantera sur un des albums d'Idir. L'été dernier, ces deux grands musiciens ont failli se rencontrer lors du 3e World Music Festival de Tabarka. Et dire qu'ils figuraient tous les deux au programme de la même semaine ! Une autre fois, peut-être. Cela aurait été bon de les voir ensemble, sur scène...Des croisements de ce genre et des rencontres, il y en a eu d'autres depuis, à l'image de Khaled, le king du raï! L'amoureux de Bakhta est venu chanter sur l'un des albums d'Alan Stivell intitulé El Douar, joli titre qui témoigne finalement du sens du partage et du rapprochement entre les cultures et les peuples du monde. Douar signifie terre en breton... Parlant de son instrument de prédilection, Alan Stivell a cette poétique tournure qui transcende les âmes. «L'harpe, c'est un arc. Il n'y a pas de flèches mais plusieurs cordes. On tire la corde mais au lieu de tuer quelqu'un, on essaye de toucher le coeur par des vibrations de tous les sentiments qu'on peut exprimer». C'est en concert que la harpe celtique trouve une résonance chez le public. Elle «vit pour ainsi dire sur scène», fait-il remarquer. Les airs lyriques de la harpe ont fait planer pour rappel, le public tabarquois l'été dernier... Alan Stivell regrette qu'en France, on veuille faire disparaître les cultures et les langues non françaises. «Contrairement au berbère qui reste une langue parlée par beaucoup de gens, Paris a réussi à faire que toutes ces langues deviennent ultra-minoritaires, vouées donc à disparaître». L'artiste ne cache pas non plus sa colère et son amertume quant à certain nombre de gens des médias qui, par le pouvoir qu'ils détiennent, influent sur le monde ou ont «une tendance à vouloir canaliser, formater les gens dans telle ou telle direction dans le choix musical qui est le leur, celui d'une minorité». Et de renchérir: «c'est quelque chose qui me soulève le coeur. Le fait de voir qu'on peut avoir une popularité importante, vendre plusieurs millions d'albums et malgré ça, continuer à avoir une place très marginale dans les médias audiovisuels français». Mais comme on dit, rien ne remplace l'amour d'un public. Maintenant, vous voudriez découvrir le son d'Alan Stivell, l'écouter parler ou apprécier la volupté de sa harpe celtique? Rien de plus facile ! Branchez-vous ce soir sur les ondes d'Alger Chaîne III de 23 heures à minuit et laissez-vous emporter sur la vague de «Black and Blue», une émission qui vous fait voyager au coeur des musiques du monde avec Adnane, à la production et l'animation et M'hamed à la réalisation.