«La lecture est indissociable de l'éducation» La célébration du 33e anniversaire du Printemps berbère est l'occasion pour s'enquérir des avancées et des manques à gagner de la langue amazighe dans toutes ses dimensions. A cet effet, apparaît la nécessité de faire une halte pour s'interroger sur l'état du livre amazigh et du monde de l'édition auquel il se réfère. C'est pourquoi, L'Expression a choisi de s'adresser à un personnage très actif dans le domaine. Ecrivain en tamazight et éditeur, Brahim Tazaghart dresse un tableau mi-figue, mi-raisin de la situation qui prévaut dans ce domaine.. «Le monde de l'édition amazigh bouge, même timidement» L'Expression: Quelle est globalement la situation actuelle du livre amazigh en Algérie? Brahim Tazaghart: Le monde de l'édition amazighe bouge, même timidement. En effet, de plus en plus de maisons d'édition s'intéressent au livre amazigh. Des parutions de livres et ventes-dédicaces se suivent. Des salons du livre voient le jour un peu partout. Certes, le soutien de l'Etat reste timide, mais nous espérons que la situation va évoluer positivement. Y'a-t-il un lectorat conséquent dans ce domaine? Il y a un lectorat, mais pas conséquent. La lecture est indissociable de l'éducation. A l'école, tamazight n'est toujours pas obligatoire ni généralisée. Nous constatons que beaucoup d'activités sont organisées à l'occasion du 33e anniversaire du Printemps berbère. Que pense justement une personne comme vous qui milite jour et nuit depuis bien longtemps? C'est toujours positif de célébrer une journée comme celle du 20 avril qui a brisé le mur de la peur et qui a replacé le peuple algérien dans son cadre historique. Cet attachement nous encourage à persister dans notre combat quotidien, d'autant plus que le Printemps berbère est célébré dans toute l'Afrique du Nord. Enormément d'activités en Libye, en Tunisie et au Maroc. Dans notre pays, nous devons tenter de sortir des célébrations classiques faites de coupures de journaux et de conférences sur l'historique de la journée. Nous devons inventer une nouvelle relation avec la réalité, une relation plus intime et plus concrète. Il serait utile que chaque commune arrête son bilan quant à l'enseignement de tamazight sur son territoire. Ensemble, élus et société civile réfléchissent à la meilleure façon d'aider cette langue à se développer. Que pensez-vous de l'appel de la direction de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou, institution officielle, à l'officialisation de la langue amazighe? Il est important qu'un consensus social et politique se dégage quant à l'officialisation de tamazight dans la prochaine Constitution. Des partis, des personnalités, des ONG doivent s'exprimer sur la nécessité de donner à tamazight le statut qui permettra son développement. Une charte culturelle amazighe peut être imaginée dans ce sens. Car, seule la reconnaissance du statut de langue officielle pour tamazight permettra la consolidation de l'algérianité. Il y a des tournants historiques à ne pas rater. L'Algérie doit mettre ce moment à profit pour mettre en place un nouveau contrat national, démocratique et citoyen qui garantira sa pérennité. Etes-vous optimiste quant à l'avenir du livre amazigh en Algérie? Je suis réaliste. Le livre amazigh finira par s'imposer comme le sera la langue des Imazighens.