«Je reconnais à personne, un site, un journal, ni aujourd'hui ni jamais, le droit de m'interpeller!» Pour taire toute mauvaise langue qui affirmerait qu'il n'existe pas de politique culturelle en Algérie, Khalida Toumi est sortie de sa réserve, hier matin, pour expliquer A plus B «sa politique culturelle et la définir selon sa propre vision et celle de l'Unesco, tout en cassant du sucre sur le dos du privé, sans pour autant s'y opposer». C'était hier matin à la faveur d'un point de presse animé au Forum d'El Moujahid. Pour la ministre de la Culture, une politique culturelle, ce sont des objectifs à atteindre, un ensemble d'encadrement juridique (lois, décrets), des institutions, un encadrement humain et enfin un budget pour concrétiser ces objectifs. Avons-nous tout ça? se demande-t-elle «oui, bien sûr!» excepté pour le budget, rétorque-t-elle: «Eh bien on a ce qu'on a!». A ces détracteurs, elle dira qu' «on peut ne pas partager la même politique culturelle mise en oeuvre, mais on ne peut pas dire qu'il n'en existe pas, sinon on ne parle pas la même chose.» Une politique culturelle argue-t-elle se subdivise par domaine et différents secteurs. Le premier dont elle parlera, en consacrant un long chapitre à sa «plaidoirie» et en mettant l'accent sur son importance est le segment du livre dont l'objectif de l'Etat, dira-t-elle, est «de soutenir et encourager et ce, à travers toute sa chaîne pour arriver à mettre en place une véritable industrie du livre». Et de souligner «le droit du citoyen d'accéder au Smig culturel qui est un droit constitutionnel». Khalida Toumi évoquera ce «projet de société», consistant à mettre en place une bibliothèque dans chaque commune et le rôle de l'Etat de les alimenter tout en mettant l'accent sur la lecture publique, arguant que «la culture, l'éducation et la santé doivent avoir un taux de service public important. Le service public est sacro-saint pour moi!». Pour ériger une bibliothèque et lui donner un statut, cela se fait par décret. Khalida Toumi annoncera ainsi la tenue, cette semaine, d'une commission mixte pour donner un statut à plus de 960 bibliothèques qui ont été créées grâce au fonds des collectivités locales. Ceci permettra aussi à ces bibliothèques d'avoir les budgets et l'équipement nécessaires. Grâce au fonds que l'Etat alimente (fonds du développement des arts et des lettres), et une politique de l'Etat/client, les bibliothèques sont ainsi alimentées en livres et ce, depuis 2007 à raison de 3500 titres achetés à nos jours. Aussi, Khalida Toumi annoncera-t-elle un avant-projet relatif au marché du livre statué récemment qui permettra enfin au gouvernement d'avoir une base légale sur laquelle on s'appuie pour prendre des décisions et des mesures afin d'encourager le privé algérien à investir dans les librairies, le maillon manquant dans ce secteur que l'Etat ne pouvait réellement soutenir sans règlement juridique favorable, à savoir la distribution. Cette réglementation contribuera aussi, dira Khalida Toumi, à «instaurer le prix unique du livre, partout en Algérie». Elle fera remarquer également que le Fdal existait auparavant, mais il fallait l'améliorer, réviser ses textes pour que la part d'aide réservée au livre soit plus importante et ainsi s'occuper, non seulement de l'édition, mais aussi de l'impression, la formation des libraires, etc. Notons qu'à partir de 2014, des Salons du livre seront organisés à l'est, l'ouest et le sud du pays. S'agissant du cinéma, là encore, Khalida Toumi dira que sans le Fdatic, aucun film algérien ne pourrait se faire. Prenant à témoin l'assistance, elle demandera: «Montrez-moi une salle de cinéma, un musée ou un théâtre dans lequel le privé a investi? Le ministère de la Culture s'est battu en 2010 pour introduire une loi qui stipule que quiconque veut investir dans la culture, bénéficiera de tous les avantages des lois de l'investissement, en vain!». Et d'indiquer que l'objectif premier de son département est de relancer la production cinématographique. Evoquant le Fdatic, créé en 1967, il a fallu 2009 pour le faire entrer dans «la loi des finances», après que l'Algérie l' ait mise en place depuis 1984. Notons aussi, révèle-t-elle, qu'en 2012, le fdatic a reçu 52 scénarios dont 25 ont été retenus. «Un fonctionnement qui ressemble à s'y méprendre à celui du CNC français». Comme pour le livre, le cinéma souffre de distribution et de manque de salles. Un problème que la ministre impute aux salles publiques fermées qui restent entre les mains des collectivités locales, incapables de les gérer ou les réhabiliter, car ne possédant ni les moyens humains ni financiers. «Le cinéma est puni. L'Afrique et le Sierra Maestra doivent être réhabilités à nouveau, car non-conformes aux normes!». Khalida Toumi, qui soulignera que son rôle est de récupérer les salles, les réhabiliter selon les normes internationales et les donner à des jeunes universitaires en chômage pour les gérer, après formation, a tenu à faire remarquer qu' à partir de juin 2013, aucun film occidental ne sera vendu en 35 mm en Algérie. «Il faut méditer sur l'exemple français. C'est le modèle que nous défendons. L'Etat français aide son cinéma. Il faut le développer chez nous.» Troisième volet important que l'Etat soutient avec un autre fonds est celui du patrimoine.. «Nous faisons énormément au rythme qu'exige le patrimoine.» Evoquant la Casbah, Khalida Toumi dira que le plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur a été adopté par décret en janvier 2012 et a eu l'aval de l'Unesco, mais ce qui rend la tâche plus ardue, ce sont les gens qui squattent ou habitent ce «secteur vivant», or l'habitat n'est pas du ressort de son département. Khalida Toumi est claire et sans ambages, affirmant que le financement d'un projet n'est pas un droit de l'homme, mais le droit d'accès à un financement public lequel est soumis à des procédures à respecter. Et d'annoncer enfin la mise à jour du décret portant sur la sécurité sociale des artistes grâce à la création, il y a un an, du Conseil des arts et des lettres, sans lequel ceci n'aurait pu se faire. A propos de «Constantine, capitale de la culture arabe», la ministre de la Culture qui se dira catégoriquement antiraciste, relèvera, à juste titre, l'absence de regroupement de la culture amazighe (il existe pour la culture arabe, islamique), «Ce n'est pas la faute de l'Algérie. Pourquoi opposer une entité identitaire à un autre? La manifestation n'est pas une occasion de faire dans l'idéologie politique de rejet et de fermeture. C'est une occasion pour que la ville bénéficie d'infrastructures grâce à des budgets spéciaux». Enfin, à propos de l'attaque dont elle a fait l'objet récemment à cause de certains propos écrits en 1995 dans son livre Une Algérienne debout, Mme Toumi, plus connue à l'époque sous le nom de Khalida Messaoudi est encore catégorique là-dessus: «J'étais, et je suis encore une militante acharnée contre l'utilisation de la religion à des fins politiques, de domination des êtres ou de la pensée. Cette campagne menée contre moi et me traitant d'apostat par un Egyptien, je répondrai que je reconnais à personne, un site, un journal, ni aujourd'hui ni jamais, le droit de m'interpeller. Je suis une engagée dans la souveraineté nationale comme Chevènement. A ce monsieur qui ne connaît pas l'histoire de l'Algérie, je dirais que l'Algérie a fait son printemps, mais berbère, car elle est berbère...».