Les dirigeants arabes s'éveillent-ils (enfin?) à la réalité du rôle préjudiciable, pour le Monde arabe, que joue le Qatar en Syrie? Tout donne lieu de le supposer à en croire l'information publiée vendredi par le quotidien économique américain, le Wall Street Journal (WSJ). En effet, le WSJ rapporte les propos de hauts responsables américains et arabes selon lesquels le roi de Jordanie (Abdallah II), le prince héritier émirati, (Mohammed ben Zayed Al-Nahyan) et le chef de la diplomatie saoudite (Saoud al-Fayçal) ont eu des entretiens avec le président Barack Obama à propos de la Syrie et du rôle qu'y joue le Qatar. La délégation arabe se serait ainsi plainte au dirigeant de la première puissance mondiale de l'implication (visible et directe) de l'Emirat du Qatar et de la Turquie dans le conflit syrien. Aider la rébellion, certes, - ce que font sans état d'âme ces monarchies - mais discrètement, sans faire de vagues et sans se coltiner avec des terroristes et Al Qaîda. Or, l'implication directe du Qatar dans le financement et sans doute l'armement de la rébellion syrienne était un secret de polichinelle, mais personne n'a alors jugé politique de relever ce fait qui mettait en porte-à-faux, outre le droit international, les professions de foi des dirigeants occidentaux qui, depuis des mois, exerçaient une terrible pression sur l'opinion internationale pour faire admettre le soutien à une insurrection financée et téléguidée, voire commanditée, de l'étranger pour déstabiliser un pays souverain. Les agressions d'Israël contre la Syrie, les menaces d'Ankara d'intervenir à son tour ont donné au conflit syrien une dimension régionale, voire mondiale. Le conflit syrien - il ne fait plus de doute - programmé dans le cadre dudit «Printemps arabe» échappe désormais à ses initiateurs qui ont échoué à «renverser» rapidement le président syrien. Plus, celui-ci est en train de reprendre en main les affaires après avoir donné l'impression de lâcher prise. En Syrie, la pseudo opposition n'avait ni le poids ni la cohésion nécessaires - malgré l'apport de mercenaires et de jihadistes financés, notamment par le Qatar - pour peser avec ses seuls moyens sur le sort de ce pays. Hétéroclite, divisée, peu crédible, cette opposition a même fini par agacer ses principaux soutiens et sponsors occidentaux. Sa crédibilité a été, d'autre part, entamée dès l'instant où le Premier ministre et chef de la diplomatie du Qatar, Cheikh Hamad bin Jassim al-Thani, imposa à la Ligue arabe un chef pour l'opposition, Ahmed Moez Al Khatib, avant d'offrir le siège de la Syrie à la rébellion. Des fait graves que, hélas, les pays arabes n'ont pas pu, ou voulu dénoncer, laissant l'initiative au minuscule émirat qui a fini par dépasser toutes les bornes de l'acceptable. Ainsi, les foucades du Qatar ont fini par effaroucher les monarchies «soeurs» qui, quoique partageant les mêmes objectifs que lui, goûtaient peu les grossièretés politiques et les initiatives intempestives de leur richissime alter ego qatari. Toutefois, fort de son immense richesse, le Qatar pense que tout peut s'acheter y compris les consciences. Il en a cependant trop fait pour que ladite «communauté internationale» continue à ignorer ou feindre d'ignorer que cette guerre imposée à la Syrie est en fait l'oeuvre du seul Qatar. Sans doute aussi, à un degré moindre, de la Turquie dont le dirigeant (Recep Tayyp Erdogan) aux visées hégémoniques sur le Moyen-Orient, semble avoir une inimitié tenace envers le président syrien. Bachar al-Assad est fort peu sympathique, mais il est évident que la manière peu orthodoxe avec laquelle on a voulu l'évincer du pouvoir pour y introniser des marionnettes induisent un sérieux et périlleux précédent dans les relations entre les Etats. Ce n'est certes pas la première fois que des chefs d'Etat se font chasser du pouvoir par des parties tierces aidées de l'extérieur, mais c'est bien la première fois qu'un pays - qui porte à bout de bras une rébellion - va jusqu'à s'en glorifier. Que fait l'ONU censée défendre et protéger le droit international et la Charte de l'ONU qui régissent les relations internationales? Or, les Nations unies observent un profil bas face à des pays qui foulent aux pieds et bafouent tout ce sur quoi sont fondés les rapports (pacifiques) entre les nations. L'ONU va-t-elle démissionner face à la loi des plus forts, comme elle le fait déjà dans le dossier palestinien?