Dans cette affaire, trop de révélations se font jour et les «raisons d'Etats» ne suffisent a priori plus pour contrer le désir de vérité des familles. La presse française à l'instar du Parisien, assimile à juste titre, ce dossier parvenu au plus haut du ministère de la Justice, à une minibombe à retardement judiciaire, diplomatique et politique. Une hypothèse que conforte Libération qui évoque des révélations ayant donné corps au malaise déjà existant autour de ce crime, officiellement attribué au GIA et perpétré une certaine nuit du 26 au 27 mars 1996 contre les sept religieux de la communauté monastique de Notre Dame de l'Atlas, à Tibehirine (80 km au sud d'Alger). Un malaise, cite Libération, ressenti au plus haut de l'Etat français. Car, dès le rapt, plusieurs questions circulaient à Paris : les unes portaient sur la vraie nature des GIA et leur infiltration par les services secrets algériens, les autres sur l'attitude d'Alger qui avait instauré un véritable «black out» sur les informations transmises à l'Elysée et au Quai d'Orsay. Deux raisons d'Etat se seraient cependant conjuguées pour qu'aucune enquête ne soit jamais ouverte sur l'assassinat des trappistes, dont seules les têtes ont été retrouvées. En filigrane de la revue de presse française, se profile sans cesse le nom de cet ancien gradé des services secrets algériens : Abdelkader Tigha lequel et au même titre que d'anciens gradés de la SM atteste la manipulation du GIA par les services de sécurité algériens. Voir, il aurait mis en cause directement et avec moult détails la SM.Abdelkader Tigha aurait «parlé» pour la première fois en décembre 2002, après une accumulation surprenante de révélations qui avaient convaincu la famille de Christophe Lebreton, l'un des moines exécutés «de tenter quelque chose pour enfin connaître la vérité». Mais Paris et Alger entretiennent le mystère. Ni la capitale algérienne encore moins l'Elysée ne veulent de rebondissements qui peuvent s'avérer fort gênants. Les médias de l'Hexagone ne manquent pas pour autant d'établir la connivence entre services des deux pays qui n'est plus à écarter, estiment les quotidiens français de ce vendredi. Au moment-même où, faute de pouvoir étouffer la plainte d'une famille, la chancellerie où l'affaire est remontée n'entend aujourd'hui envisager d'autre piste que celle du terrorisme sous l'intitulé «enlèvement, séquestration et assassinat en relation avec une entreprise terroriste» comme l'a annoncé Me Patrick Baudoin, avocat de proches des moines qui avaient porté plainte. Une option que cette robe noire ne partage pas totalement rapporte le quotidien Le Monde qui relève que cet avocat souhaitait qu'un juge de droit commun enquête sur ces morts pour que la piste terroriste ne soit pas la seule privilégiée. «J'espère que le choix de la justice antiterroriste ne traduit pas une orientation de départ tendant à accréditer la version jusqu'à présent officiellement assénée», a-t-il déclaré. Ainsi et concernant cet épisode dramatique de l'histoire des deux nations, la presse française semble de plus en plus encline à bouder la seule piste terroriste et met de plus en plus en relief «le rôle de la sécurité militaire algérienne» que Le Monde reprend sous la dénomination de DRS qui serait victime d'un plan ayant mal tourné à l'époque: «Depuis 2002, soulignent les plaignants, des langues se sont déliées, laissant entrevoir une version plus complexe de l'enlèvement et un rôle au moins indirect de la sécurité militaire algérienne (DRS)», y lit-on en substance. Cette dernière visait selon un plan bien établi à redorer son blason, une fois les trappistes libérés mais des «dérapages» jumelés à des luttes intestines au sein de l'ex-GIA auraient eu raison de l'objectif initial. Une version que ne confirment pas totalement des spécialistes de ces questions notamment au sein de la direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage). Certains y voient même une manipulation destinée à blanchir des terroristes islamistes réduits au rôle de simples produits de la sécurité militaire, note-t-on par ailleurs. Le mystère demeure entier.