Le Festival de Cannes s'est achevé avec un constat amer: On est loin du niveau mondial du cinéma d'aujourd'hui. Un niveau qu'on avait pourtant atteint avec la force des images et la puissance de la composition avec des films forts sur la révolution algérienne comme Le vent des Aurès, Décembre ou Chronique des années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina, ou encore L'opuim et le Bâton d'Ahmed Rachedi, Hors la loi de Rachid Bouchareb ou Zabana de Saïd Ould Khelifa et surtout La Bataille d'Alger produit par Yacef Saâdi. Curieusement, nous nous affirmons toujours dans le monde du cinéma mondial avec des films révolutionnaires. Savons-nous faire des films simples, des films sur la vie et des films sur l'humain? Pas si sûr! Car avant de passer à autre chose, à d'autres thèmes, il faut avoir les moyens de sa création, de son génie et surtout de son cinéma! Et c'est dans l'humain que parfois nous pouvons explorer les limites et les profondeurs de notre génie. L'histoire de cette mère en perdition magnifiquement jouée par Keltoum dans Le vent des Aurès en est un parfait exemple cinématographique! Mais aujourd'hui, le cinéma n'est pas une recette garantie, c'est un long travail de labeur. Un travail d'équipe et surtout une gestion à haute définition. Le cinéma est un secteur stratégique qui remet en scène des pays exclus politiquement du concert des nations comme l'Iran, qui met en avant des pays sans puissance réelle ou qui donne encore de la hauteur à des pays puissants comme les Etats-Unis. Chez nous, on fait toujours dans la politique du bricolage du cinéma révolutionnaire. Le ministère des Moudjahidine, qui n'avait jusque-là que la fonction de bureau de recensement et d'indemnisation des moudjahidine s'est converti depuis quelques années en producteur puissant et riche du cinéma algérien. Un producteur qui a droit de vie et de mort sur les oeuvres historiques. Une fonction qu'il n'a jamais rêvé occuper même au temps glorieux de la politique de production des films sur la révolution algérienne dans les années 1970. Mais voilà que ce département du gouvernement, se transforme en spécialiste des projets historiques et impose un veto pour toutes les oeuvres qui ne cadrent pas avec sa vision ou sa politique. Sinon comment expliquer que le ministère des Moudjahidine bloque toujours un projet de film sur l'un des héros de la guerre de Libération: Larbi Ben M'hidi. N'est-ce pas cette instance gouvernementale qui avait lancé, il y a plusieurs mois, un appel pressant aux cinéastes algériens fixant déjà les sujets à six figures de la Révolution algérienne, à leur tête Larbi Ben M'hidi? Après lui avoir imposé de choisir un réalisateur algérien pour la mise en scène du film sur Ben M'hidi, le ministère refuse de donner suite au projet. Cet épisode malheureux nous rappelle le cas de René Vautier qui avait été mis en prison pendant deux ans entre 1958 et 1960 par un responsable zélé du FLN, car il considérait, à l'époque déjà, qu'un film sur la Révolution algérienne réalisé par un cinéaste français était un «danger» pour le combat idéologique pour l'Indépendance. Heureusement qu'un autre responsable du FLN, plus entreprenant, l'a sauvé et l'a libéré. Mais les résidus de cette politique anticréatrice et antilibérale persiste toujours dans le paysage cinématographique algérien, sont toujours en poste. Le projet du film Ben M'hidi, dont le scénario est signé par l'un des meilleurs scénaristes algériens, Mourad Bourboune, est toujours bloqué et pourtant le producteur Bachir Derrais ne sollicite pas l'argent du ministère des Moudjahidine, (même s'il en a le droit comme tous les autres producteurs sélectionnés dans la manifestation du 50e anniversaire de l'Indépendance. Le producteur revendique seulement le document officiel facilitant l'acquisition du matériel de guerre et des moyens logistiques pour la réalisation du film. Affaire à suivre! [email protected]