Abdesselam Ali Rachedi, Hamid Ouazar et Tarik Mira, anciens cadres des partis de l'opposition (FFS et RCD) viennent de lancer la campagne nationale pour la IIe République (Cndr). Dans cette interview, Tarik Mira, fils du commandant de l'ALN, Abderrahmane Mira, revient sur cette initiative. Il explique le projet et appelle les citoyens à se mobiliser pacifiquement pour dépasser le système politique actuel en vue d'instaurer une IIe République et faire émerger un autre système de légitimation basé sur la démocratie et non plus sur les légitimités historiques. L'Expression: Vous venez de lancer la campagne nationale pour la IIe République. En quoi consiste le projet, comment et avec quels moyens le mener? Tarik Mira: Le projet est de dépasser la situation politique actuelle en remettant les institutions et le stock idéologique qui portent depuis l'indépendance les différents régimes issus du même système. Aller à la IIe République, c'est faire émerger un autre système de légitimation basé sur la démocratie et non plus sur les légitimités historiques et/ou révolutionnaires qui se sont succédé durant un demi-siècle. C'est vivre la démocratie dans sa plénitude ayant comme base deux de ses fondements majeurs: la liberté et l'égalité. Beaucoup réduisent la démocratie à l'acte électoral et par conséquent, à l'arithmétique. Il faut protéger cet acte citoyen par les valeurs énoncées plus haut. Nous misons beaucoup sur la mobilisation populaire et pacifique pour s'organiser autour de ce mot d'ordre, à l'échelle privée ou publique. Les réseaux sociaux sont aussi un instrument de vulgarisation de l'idée. L'opinion publique est invitée à s'autosaisir de l'idée et de la porter. Vous avez bien noté que c'est une campagne ouverte dans laquelle il n'y a ni comité ni conseil. Il s'agit de créer un rapport de forces dans la société en faveur de la IIe République qui amènera le régime à s'ouvrir et accepter de nouvelles règles de jeu. Pour résumer, les citoyens peuvent s'autoorganiser par voie réelle ou virtuelle afin de créer les conditions du changement nécessaire autour de cette idée-force et qui a un soubassement institutionnel comme armature d'encadrement de la démocratie. Vous proposez un moratoire de deux à trois ans sur les élections. Comment concevez-vous cette transition? Tout le monde admet maintenant que les différents scrutins organisés pour tourner la page de 1992 ont été à des degrés divers truqués. Aucune légitimité n'a pu s'imposer malgré les différents scenarii proposés. Nous pensons que reconduire ce même procédé pourra faire gagner encore du temps au régime, mais menace l'Algérie d'implosion et de violence à venir incontrôlable. Si le système, dans sa globalité, comprend la nécessité de s'ouvrir - Gorbatchev pour ne citer que lui, l'a fait - il faudrait, à partir de cette période, arrêter toute élection durant deux à trois ans et organiser le libre débat dans les médias privés et publics afin que les partis et les acteurs politiques se fassent connaître. A partir de la réussite de ce point, l'égalité des chances entre les uns et les autres s'établira et permettra une élection plus équilibrée. A défaut, ce sera la continuité avec un risque d'implosion ou une ouverture dans l'urgence et la contrainte, ce sera alors les forces obscurantistes et totalitaires, grâce à leurs moyens logistiques, qui l'emporteront. Vous remarquerez que nous ne mettons aucun mécanisme sur la place publique. Il faut inventer ces règles. Le plus important est d'arracher cette ouverture. Pouvez-vous être plus explicite sur le point relatif à la décentralisation proposée dans l'initiative visant l'instauration d'une IIe République? L'idée émise est de terminer avec l'Etat jacobin et centralisé. La gestion de la cité la plus efficace est celle qui descend au plus bas échelon. Même la France qui a le modèle le plus centralisé au monde, a accepté la décentralisation. Cette dernière n'a pas permis de voir dans le Sud l'émergence de voix porteuses de dislocation. La réponse est de donner des pouvoirs élargis aux régions qui ont fonctionné durant la lutte de Libération nationale. Plus de pouvoirs aux échelons plus bas qui existent ou à créer dans un Etat unitaire. Le sentiment patriotique doit se créer autour des droits et devoirs d'une Constitution, autour de la citoyenneté. C'est ce que j'appelle le patriotisme constitutionnel.