La régionalisation peut-elle constituer la panacée à la crise nationale ? Faut-il reprendre le découpage en vigueur pendant la révolution ? L'Etat algérien est-il réellement centralisé ? Les revendications autonomistes ont-elles un devenir ? Taboues jusqu'à un passé assez récent, ces questions, approchées diversement par certaines formations politiques depuis quelques années, ont été au centre d'une rencontre-débat sur le thème “y a-t-il une alternative à un Etat centralisé ?" organisée jeudi soir à Alger par l'initiative pour la refondation démocratique. Tarik Mira, ex-député du RCD, Mustapha Benkhemou, ex-militant berbériste, le professeur de droit public, M. Laggoune, Ahmed Lagrâa, ancien diplomate et Nacer Haddad, ancien militant du FFS, ont tour à tour développé leurs visions sur les concepts de l'Etat centralisé et de la régionalisation. “Il y a des expressions dans certaines régions qui rejettent l'Etat centralisé", a affirmé d'emblée Tarik Mira, rappelant au passage que le FFS a été le premier parti à avoir évoqué en 1978 l'autonomie régionale, tandis que le RCD a posé, au courant des années 2000, la question de l'Etat unitaire régionalisé. Pour Mustapha Benkhemou, la négation du génie local a abouti à “l'acitoyenneté". “Il y a une démission devant l'intérêt collectif", a-t-il observé. Selon lui, la décentralisation est “nécessaire compte tenu des effets négatifs de la centralisation". “Chaque région a un potentiel brimé qui peut s'exprimer (...), la régionalisation va aider à la renaissance de la culture dans toutes ses diversités", a-t-il encore affirmé en plaidant pour “un Maghreb des régions". Pour sa part, Nacer Haddad est remonté jusqu'à la mise en place de l'Etat algérien au lendemain de l'indépendance. “En Algérie, on a crée l'Etat, ensuite on a tenté de créer la nation. Mais pour cela, il faut des facteurs d'uniformisation. Or, l'arabe et l'Islam sont des facteurs supranationaux", a-t-il relevé. “Il est déterminant de revoir la construction de la nation algérienne", a-t-il estimé. Auteur du Sud ouest : du passé tumultueux au misérable avenir, Ahmed Lagrâa a tiré la sonnette d'alarme sur le risque de sécession des régions du Sud. “Il y a un malaise au Sud en raison du chômage d'un part et de la non-intégration des Touaregs d'autre part." “Au Sud, ils ont dépassé la régionalisation, ils demandent à être libres", a-t-il dit. Très didactique, le professeur en droit public, M. Laggoune, qui avait fait partie de la commission de réforme des structures de l'Etat, a, pour sa part, estimé que “l'Etat moderne ne peut pas gérer de manière centrale". Cependant, à contre-courant d'une idée assez répandue, il a soutenu “qu'il y a des politiques de décentralisation et de déconcentration". “Sur le plan institutionnel, l'Etat algérien n'est pas centralisé", a-t-il dit. “Ce qui est remis en cause, c'est la gestion de la rente au niveau central. Il y a un problème de redistribution de la rente", selon lui. Autre tare : “la décision n'est pas prise dans l'institution." “On a créé des systèmes de clientèles, mais nous ne sommes pas dans un système centralisé où il y a l'unité de décision, la cohérence et la hiérarchisation", a-t-il relevé. Conséquence : “Chaque fois qu'il y a crise de rente, il y a une crise des clients de la rente." Selon M. Laggoune, c'est le “système rentier qui pose problème à l'Algérie", auquel il convient, selon lui, d'engager une réflexion. Et à l'unanimité, les conférenciers ont convenu que “la rente est une contrainte à la formation de la citoyenneté et la question qui se pose avec acuité est le rapport des citoyens algériens à la République". “On n'a pas pensé l'organisation territoriale sur des critères économiques et sociaux (...) la régionalisation se conçoit par étapes", estime, par ailleurs, le professeur Laggoune. “On ne construit pas une république avec la rue. Aujourd'hui, il y a une doctrine anti-république qui se manifeste dans les mosquées et à la télé", a-t-il conclu. K K