Quoique non contraignant, l'avis que la Cour internationale de justice s'apprête à donner peut constituer un tournant dans le conflit israélo-palestinien. Proclamant la journée du lundi 23 février, début des audiences dans l'affaire du «mur de l'apartheid», «journée nationale contre le mur», les Palestiniens s'apprêtent également à organiser un certain nombre de manifestations de protestation contre l'érection par Israël de la ligne dite de «sécurité». De fait, le président Yasser Arafat, mettra à profit cette opportunité, pour prononcer ce lundi un discours dans lequel il reviendra sans doute sur tous les aspects de ce problème, discours qui sera suivi par le déclenchement des sirènes d'alarme et des cloches des églises, alors que les fonctionnaires observeront un arrêt de travail d'une heure (de 10h à 11h GMT). Pour les Palestiniens, quoique non contraignant, l'avis que la Cour de La Haye sera amenée à prendre aura des incidences importantes sur la suite du contentieux israélo-palestinien. En effet, en déclarant illégale la construction de la «ligne de sécurité», édifiée par Israël en Cisjordanie, la Cour internationale de justice, (CIJ), clarifiera grandement la donne juridique du territoire et l'implication politique qui en est ainsi induite. Aussi, il est patent que la CIJ, qui commencera ses audiences ce lundi, accédera aux demandes des Palestiniens, car il serait étonnant que La Haye valide la construction par un Etat d'une barrière de protection dans un pays voisin quelles qu'en soient les motivations. Or, Israël ne peut pas s'arroger le droit de défigurer ou de changer la configuration des territoires palestiniens dont il n'est, en tout état de cause, que la puissance occupante, ce qui lui interdit d'en modifier la nature. Or, la transformation qu'envisage Israël dans les territoires palestiniens occupés, singulièrement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, remettent en cause l'érection d'un Etat palestinien indépendant fiable et viable. Aussi, l'avis que rendra la CIJ éclairera-t-il la donne proche-orientale en rétablissant le contentieux israélo-palestinien dans le contexte qui a toujours été le sien: un problème de décolonisation. Et c'est cela le fond du problème, la décolonisation par le retrait d'Israël des territoires palestiniens occupés depuis 1967. Cela est tellement vrai que l'initiative prise par l'Etat hébreu de construire la «barrière» de sécurité contrarie fort son protecteur et mentor américain, Washington se trouvant partagé entre ses critiques de la «ligne» et sa volonté de ménager son allié israélien dans le Moyen-Orient. De fait, les Etats-Unis apparaissent comme juge et partie, dans la mesure où, soutenant ostensiblement Israël, ils se prétendent dans le même temps parrain du processus de paix. Aussi, tout ce qui ne va pas dans le sens souhaité par Israël est-il considéré par Washington comme étant «contre-productif». Ce que ne manqua pas d'indiquer le porte-parole du département d'Etat américain, Richard Boucher, selon lequel - même si l'avis de la Cour sur cette question n'a pas de valeur contraignante - «ce recours est inapproprié et pourrait gêner les efforts pour réaliser des progrès en vue d'un règlement négocié entre Israéliens et Palestiniens». Certes ! Mais ce sont les mêmes propos que répètent les Américains depuis des années sans que soit enregistré le moindre progrès. On est même amené à se demander si le mur que construit Israël, qui empiète en profondeur sur la Cisjordanie, ne constituerait pas, selon les Etats-Unis, une pièce positive à mettre au bénéfice de l'Etat hébreu? En fait, les Etats-Unis acceptent d'Israël tous les oukases et cela, indiquent les analystes, pour permettre à Washington de «conserver une capacité de pression» sur Tel-Aviv. Quelles pressions lorsque les dirigeants américains ont toujours affirmé qu'ils ne feraient jamais de pression sur Israël quels que soient ses torts. Dans cette affaire, les Etats-Unis, en constant contact avec les responsables israéliens - le chef de cabinet de Sharon, Weisglass, était encore, la semaine dernière à Washington pour informer la Maison-Blanche du plan de séparation de Sharon- feignent néanmoins de ne pas avoir «une vue d'ensemble» de ce que veulent les Israéliens, comme l'indiquait mercredi le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, «Nous ne pouvons pas dire que nous acceptons la sortie de Gaza sans comprendre comment cela s'inscrit dans les projets israéliens pour la Cisjordanie et comment cela affecte le tracé que pourrait prendre la clôture». Colin Powell se garde alors de dire que cette «clôture» signifie en réalité la fin d'un processus de paix négocié. Si les Etats-Unis se gardent d'empiéter sur «la souveraineté de décision» des Israéliens, en revanche ils n'ont pas de mots assez durs pour tancer les autorités palestiniennes, et Yasser Arafat en particulier, incapables selon eux «d'enrayer» la violence. Est-ce de la mauvaise foi de la part des Etats-Unis qui attendent d'une police désarmée, d'un président assigné à résidence, d'une autorité palestinienne phagocyté par l'occupation israélienne de réussir là où l'Etat juif, avec ses chars et ses blindés, ses avions et ses hélicoptères de combat, s'est montré, depuis plus de trois ans, impuissant à réaliser. Ce que Washington et Tel-Aviv refusent de comprendre est le fait qu'aucune force au monde ne peut venir à bout de la volonté des peuples. Et le peuple palestinien l'administre depuis septembre 2000 face à l'armée d'occupation israélienne