En jugeant illégal le mur qu'édifie Israël en Cisjordanie, la CIJ remet le dossier dans la trajectoire de la légalité internationale. Fureur en Israël, joie dans les territoires palestiniens occupés, l'avis que la Cour internationale de justice a rendu, vendredi, dans l'affaire du mur que construit Israël en Cisjordanie, remet en vérité les choses à l'endroit, cela d'autant plus que l'Etat hébreu, qui a toujours fait fi des décisions internationales prises dans le cadre du dossier proche-oriental, a également bénéficié tout au long de ces décennies d'une étrange mansuétude de la part des instances internationales. Mansuétude qui n'est pas étrangère en fait à l'allongement de la durée du conflit et, dès lors, à celui de la liste des victimes palestiniennes, singulièrement, (plus de quatre mille Palestiniens ont été tués par l'armée israélienne depuis l'Intifada de septembre 2000) et, ces dernières années, israéliennes. Depuis son érection, l'Etat hébreu n'a pas tenu compte des décisions et résolutions prises par la communauté internationale afférentes à ce conflit, dont singulièrement les résolutions 242 de juin 1967 et 338 d'octobre 1973, les deux résolutions exigeant instamment d'Israël de se redéployer au-delà de la ligne verte, ligne d'armistice (de la guerre de 1948/49), et tenant lieu de frontière de fait entre Israël et les territoires palestiniens. Jusqu'à aujourd'hui, ces résolutions demeurent en attente d'application. Israël avait également annexé en 1981 Jérusalem-Est, occupée en 1967 et le Golan syrien, occupé également à la même date, annexions considérées, à l'époque, nulles et non avenues par le Conseil de sécurité de l'ONU. Aussi, ce n'est pas en vérité la première fois qu'un organisme des Nations unies met à l'index Israël, mais c'est la première fois, sans doute, que la CIJ, organe judiciaire spécialisé de l'ONU, dit aussi clairement l'illégalité de l'occupation par Israël des territoires palestiniens. En effet, quoique l'avis consultatif ne prend en compte que l'affaire dite du «mur», -sur sollicitation de l'Assemblée générale de l'ONU-, ses attendus sont clairs et concernent en fait l'ensemble des territoires palestiniens occupés par Israël. De fait, la formulation même de l'avis consultatif en atteste qui affirme que «la construction du mur par Israël, la force occupante, dans le territoire palestinien occupé, y compris dans et autour de Jérusalem, et les dispositions qui y sont associées, sont contraires à la loi internationale». Dit plus communément l'occupation par Israël des territoires palestiniens est illégale, cela tout le monde le savait, cela allait sans dire, mais cela va encore mieux en le précisant, et c'est ce qu'a fait la Cour internationale de justice, qui énonce ici des faits incontestables. Même les Etats-Unis, protecteurs attitrés d'Israël, admettent cette occupation contraire aux lois internationales, bien que Washington continue à estimer, contre toute logique, «inapproprié» tout ce qui ne va pas dans le sens voulu par les Israéliens. De fait, de toutes les capitales occidentales, -elles avaient déjà, au moment du début de la construction, mis en garde Israël sur le fait que le mur viole le droit international- Washington a été seul à réagir négativement à l'avis émis par la Cour international de justice. En réalité l'avis de la CIJ qui n'est que consultatif et non contraignant, n'en remet pas moins le contentieux israélo-palestinien dans le rapport occupants-occupés, car si l'avis de la cour a une portée juridique, il doit à l'évidence peser sur la solution définitive qui ne peut être que politique. Le fait est que, sans contraintes internationales, Israël n'est pas près de changer de politique et poursuivra sa fuite en avant qui n'a donné aucun résultat depuis plus de 56 ans et qui ne sert ni la paix dans la région, ni la volonté internationale de voir s'édifier un Etat palestinien aux côtés de l'Etat hébreu, et encore moins d'instaurer la sécurité des Israéliens que le gouvernement Sharon prétend vouloir assurer. Et l'insécurité des Israéliens ira crescendo avec le renforcement de l'occupation israélienne par l'implantation de colonies de peuplement en territoires palestiniens rendant chaque année un peu plus inextricable l'imbroglio créé sciemment par les gouvernements israéliens dans leur volonté d'édifier le chimérique «Grand Israël» aux dépens du peuple palestinien. Aussi, l'avis consultatif de la CIJ induit une nouvelle donne dans la problématique israélo-palestinienne et met face à leurs responsabilités tant l'Assemblée générale que le Conseil de sécurité qui ont ainsi l'opportunité de redonner au dossier proche-oriental ses dimensions quelque peu oubliées de décolonisation. Aussi, la balle est désormais dans le camp de l'Assemblée générale de l'ONU qui avait sollicité en décembre dernier l'avis de la CIJ quant à la «légalité» du mur (long de 730 km dont 200 km ont été livrés, qui mord profondément en Cisjordanie) qu'Israël édifiait en territoires palestiniens occupés. Aussi, le moment est enfin venu pour le monde de briser le sanglant tête-à-tête israélo-palestinien, et l'impasse qu'il a induite, pour s'impliquer plus franchement dans la solution d'un conflit qui menace la paix de toute la région du Proche-Orient