Peu importe le prix, les Algériens mettent le paquet pour le plaisir de la meïda A croire que le pays s'apprête à mener une guerre, lutter contre une épidémie ou tout simplement une grave pénurie en produits alimentaires. Ça grouille de partout. A 24 heures du mois sacré du Ramadhan, les Algériens ont pris d'assaut les marchés. La folie des achats a atteint un pic inimaginable. De jour comme de nuit, les gens affluaient sur les marchés et les grandes surfaces pour s'approvisionner en ingrédients indispensables pour la préparation de la chorba du f'tour. A croire que le pays s'apprête à mener une guerre, lutter contre une épidémie ou tout simplement une grave pénurie en produits alimentaires. Hier, des files interminables de véhicules ont été signalées au niveau du centre commercial de Bab Ezzouar. Les familles faisaient leurs achats jusqu'à une heure tardive de la nuit. «On avait du mal à fermer hier le centre à minuit», affirme un employé au niveau du centre commercial de Bab Ezzouar. Cet habitué des lieux témoigne qu'il n'a jamais vu un engouement d'une telle envergure. «Pour permettre aux gens de faire leurs achats, nous avons prolongé la fermeture du centre jusqu'à minuit au lieu de 22h, mais cela n'a pas suffi», explique notre interlocuteur, stupéfait par le flux des familles de passage. «On dirait que tous les magasins vont fermer durant ce mois», commente-t-il avec ironie. Même scénario au centre commercial d'Ardis. Le vaste parking, disposé à accueillir des centaines de voitures, était bondé. Des foules interminables de personnes constatées sur place. Objet: faire les emplettes pour le mois sacré du Ramadhan. A l'intérieur, les clients se bousculaient dans les rayons des produits alimentaires pour garnir la table du f'tour. Peu importe le prix, les Algériens mettent le paquet pour le plaisir de la meïda. Ils ne se privent de rien durant ce mois sacré. Des viandes rouge, blanche, des fruits de mer et des friandises, les familles se gâtent à fond. D'ailleurs, des cadis pleins à craquer ont provoqué une queue au niveau des caisses. Les clients ont dû attendre plus d'une demi-heure pour s'acquitter de leurs achats aux caisses. Des produits alimentaires en passant par la vaisselle aux produits électroménagers, les clients ont fait le plein. Les agents de sécurité étaient complètement dépassés. «Pas facile de contrôler tout ce monde», murmure un agent de sécurité à son collègue qui lui rétorque: «Les Algériens ont de l'argent.» Effectivement, les gens dépensent sans compter. Des achats estimés par famille, à plus de 10.000 DA pour ne pas dire l'équivalent d'un salaire. Certains recourent même à des emprunts pour garnir leur table durant ce mois sacré. Malgré la cherté de la vie et la flambée des prix à la veille de ce mois sacré, la consommation n'a pas freiné. Bien au contraire, le taux de consommation double durant ce mois de jeûne. Les chiffres avancés par l'Union nationale des commerçants et artisans algériens, (Ugcaa) donnent le tournis. L'Ugcaa a tiré la sonnette d'alarme sur les mauvaises habitudes des Algériens qui ont une propension à dépenser l'argent durant ce mois sacré. Lors d'une conférence de presse animée dimanche dernier, l'organisation a appelé à la raison pour en finir avec le gaspillage alimentaire qui se chiffre en milliards de centimes. Selon l'Ugcaa, le gaspillage devrait dépasser 500 milliards de centimes cette année et ce, en raison du degré de consommation qui s'est élevé à 50% dans tous les produits alimentaires. Le président de la filière des fruits et légumes a affirmé que les Algériens consomment pendant le Ramadhan 10 millions de quintaux de légumes, 500.000 quintaux sont gaspillés et jetés à la poubelle, alors que le président de la commission nationale des boulangers a fait savoir que les citoyens consomment 4,1 milliards de pain, dont 120 millions sont jetés dans les poubelles. Le porte-parole de l'Union, Hadj Taher Boulanouar, a ajouté que le taux de consommation du lait pendant le mois de Ramadhan s'élèvera à 150 millions de litres, dont 12 millions de litres sont aussi gaspillés, et d'ajouter en déclarant que la consommation de viande rouge s'élève, elle aussi, pendant le mois sacré à 40.000 tonnes, quant à la viande blanche, à 30 tonnes, alors que la consommation des dattes est estimée à 40.000 quintaux. Ce qui explique que la flambée des prix n'est pas provoquée par la pénurie des produits, mais plutôt par la forte consommation. Sachant que les jeûneurs ne reculent devant rien, les commerçants en profitent pour s'enrichir en augmentant les prix.