En prenant la décision de faire désormais la distinction entre «Israël» et les Territoires occupés (Cisjordanie, Ghaza, Jérusalem-Est et le Golan syrien), l'Union européenne (UE) a enfin clarifié sa position en prenant un jugement de plain-pied avec l'évolution du contentieux israélo-palestinien. Dans un communiqué il est préconisé que «tous les accords entre l'Etat d'Israël et l'UE doivent indiquer sans ambiguïté et explicitement qu'ils ne s'appliquent pas aux territoires occupés par Israël en 1967». Après avoir longtemps tergiversé, l'UE a pris une décision administrative, certes, mais à connotation politique incontestable. L'Europe rectifie quelque part le tir en revenant à la conformité onusienne qui reconnaît la contexture des territoires palestiniens dans leur configuration de 1967 suivant les résolution 242 de la même année et 338 de 1973. Cela est important à souligner dès lors que cela remet en cause la colonisation des territoires occupés. Certes, l'Union européenne ne le dit pas explicitement, mais le fait de spécifier précisément les frontières de 1967 rend caducs les arguments et justifications d'Israël quant à la colonisation et la judaïsation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie. Il est patent que la paix y aurait gagné beaucoup si dès le départ, les amis de l'Etat hébreu lui avaient fait comprendre l'insanité de ses prétentions à la paix et à la sécurité sans rendre les territoires. Toute la clé du processus de paix est là. La terre contre la paix. Or, la vision de deux Etats (Palestine et Israël) vivant côte à côte en paix, ne saurait se concrétiser si Israël poursuit l'occupation et la colonisation de ces territoires. Comment, dès lors, Israël conçoit-il le futur Etat palestinien et sur quelles frontières? C'est pourtant la question essentielle, nodale du processus de paix. Israël qui se dit «prêt» à négocier avec les Palestiniens refuse dans le même temps de geler la colonisation. Personne n'a tenté de faire comprendre aux dirigeants de l'Etat hébreu que leur position est inacceptable et intenable car elle constitue une sérieuse entrave au processus de paix dont les pourparlers ne pouvaient avoir lieu parallèlement à la judaïsation des territoires palestiniens. John Kerry secrétaire d'Etat américain (de retour mardi dans la région), qui s'éreinte depuis quelques semaines à vouloir faire redémarrer le processus de paix, n'a pas jugé indispensable de faire saisir à ses interlocuteurs israéliens ce fait:l'arrêt de la colonisation est une condition sine qua non pour parvenir à la paix. En fait, ni sa prédécesseure, Hillary Clinton - pour ne point remonter aux abysses de l'affaire - et encore moins l'Union européenne n'ont tenté de mettre les Israéliens face à leur responsabilité et à leur faire assumer l'échec du processus de paix. En effet, qu'a fait l'Occident (dont l'Union européenne en est un des piliers) ces dernières années pour amener Israël à plus de mesure et lui signifier où se trouvait son intérêt? L'Europe qui n'a pas été cohérente dans ses positions en refusant de soutenir la demande d'adhésion de la Palestine à l'ONU, s'est rattrapée par sa décision de mardi, singulièrement sur le fait qu'elle reconnaît les territoires palestiniens dans leurs frontières de 1967. Cela est important car il conforte les demandes palestiniennes de négocier avec Israël dans le contexte de la frontière - ou ligne verte - de 1967. Aussi, soyons sérieux, si quelqu'un menace la paix au Proche-Orient c'est bien Israël qui, par son irrédentisme, par son refus de mettre un terme à la judaïsation des territoires palestiniens occupés, met en péril le fragile processus de paix, à l'arrêt depuis trois ans. Période qu'Israël a mise à profit pour accentuer la reconfiguration de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Notons à ce propos que la déclaration de l'Union européenne sur la distinction entre Israël et les territoires occupés, cite nommément la ville de Jérusalem-Est. L'ONU, et la communauté internationale ne reconnaissent pas l'annexion par Israël de la ville d'Al Quds. Les Palestiniens ont fait beaucoup de concessions ces dernières décennies, sans contrepartie de la part d'Israël qui n'a pas fait le moindre petit geste pour donner au processus de paix la chance de pouvoir aboutir sur du concret. Cela, l'Union européenne, notamment, le savait mais n'a jamais osé le faire savoir clairement à Israël. En fait, la décision de l'EU d'exclure de ses accords les productions des territoires occupés va plus loin que le simple fait commercial. Il a surtout une portée politique qu'il serait erroné de ne pas prendre en compte. En vérité, par cet arrêt - qui appelle chaque chose par son nom - l'UE a remis les choses à l'endroit. Il était temps!