«Quelle qu'eût été l'énigmatique position de l'armée, elle n'aura profité qu'au candidat-président.» C'est un Taleb en pleine forme, maniant avec aisance le verbe et l'art de la rhétorique, qui a pris place dans la salle exiguë de sa permanence en vue d'animer une conférence de presse, après que le CIP lui eût été refusé verbalement sans le moindre argument recevable. Il était accompagné du général à la retraite Rachid Benyellès, membre du groupe des dix et défenseur acharné de la démocratie et des droits de l'homme en Algérie. A l'appui de deux documents propres au Conseil constitutionnel, l'un, une simple feuille volante accusant réception des 121 boîtes contenant les formulaires, et l'autre constituant la réponse officielle de cette institution, Taleb a commencé par faire part de sa «stupéfaction» devant son éviction. Cette décision, à ses yeux, relève d'un «comportement immoral tendant à instrumentaliser les institutions de l'Etat pour permettre au président-candidat d'arracher un second mandat». Aux yeux de celui qui souligne «simplement» qu'il devait être le président algérien dès 1999, les jeux sont désormais faits. «Maintenant qu'a été éventée la ruse visant à m'exclure du scrutin, que le FLN a été empêché d'utiliser ses moyens pendant la campagne électorale, que la direction de l'Ugta s'est ralliée et que le commandement de l'institution militaire s'est abstenue de donner suite au mémorandum portant violation de la constitution élaboré par le groupe des dix, tout concourt à vider les prochaines élections de tout sens». Si dans le fond, la mascarade de 1999 est en passe d'être reconduite, seule la forme a quelque peu changé dans ce nouveau plébiscite où tous les grains de sable ont été éliminés à l'avance. Les preuves, semble-t-il, ne manquent pas, qui dénotent le coup de force électoral en passe d'être perpétré. Taleb, dans sa déclaration liminaire, cite en vrac sept exemples édifiants. Ainsi en est-il de l'empiètement sur les prérogatives du Conseil constitutionnel. Une première fois en ordonnant la révocation des supposés-indus-élus, et une seconde «lorsque le ministère de l'Intérieur s'est arrogé les prérogatives (de cette institution) pour la qualité des déclarations des signataires des formulaires». A cela s'ajoute le maintien en place d'un gouvernement transformé quasi officiellement en comité de soutien. Taleb ajoute, abordant le sujet de la surveillance du scrutin que «la désignation unilatérale d'une commission (...) dépourvue de toute autonomie réelle, où même dans sa dénomination où l'expression indépendante a cédé la place au terme politique». Il relève également «l'instrumentalisation de la justice à des fins de règlements de comptes politiques, comme ce fut le cas à l'endroit du FLN». Il ne manque pas de relever, au passage, toutes les pressions et intimidations que subit la presse privée qui refuse de brosser dans le sens du poil. Evoquant en second lieu la campagne de collecte des signatures avec les énormes pressions subies par certains candidats et dont notre journal s'était fait l'écho en temps réel, Taleb annonce avoir récolté pas moins de 93.416 signatures, dont 14.353 non-légalisées quoique accompagnées des photocopies des cartes d'identité des signataires. Cela donne une large marge de sécurité pour un Taleb qui s'étonne de son éviction après avoir obtenu près d'un million et demi de voix en 1999 et mis en place entre-temps un parti politique qui lui a permis de mieux organiser cette opération. Ce n'est pas tout.