L'institution militaire, de par ses engagements, est tenue d'intervenir pour imposer la neutralité de l'administration et du gouvernement. Ahmed Taleb Ibrahimi, président du mouvement Wafa, a profité de son escale, jeudi, à Boumerdès, pour annoncer et expliquer ses nouvelles positions à la lumière des graves dérives qui se sont produites en vue de soustraire le FLN au contrôle de Ali Benflis. Dans un discours très remarqué, fait devant les cadres, militants et notables de la ville à l'hôtel Soumam, Taleb a très sérieusement remis en cause sa candidature si les choses devaient continuer sur cette lancée. Pour lui, en effet, «ce qui est arrivé au FLN, depuis que la justice a été instrumentalisée dans cette affaire, rend la situation encore plus confuse qu'elle ne l'était par rapport au déroulement de la future présidentielle». Cela est d'autant plus vrai, aux yeux de ce parti, qui a été la première victime des agissements de Yazid Zerhouni en 2000, c'est «que la neutralité déclarée de l'institution militaire est loin d'être suffisante dans l'état où en sont arrivées les choses». C'est carrément un nouveau concept politique qu'introduit Taleb dans son discours et son analyse politique: «Je plaide pour une neutralité active de l'Armée». Entendre par là, que le retrait de celle-ci de la vie politique ne peut être positive et porter pleinement ses fruits, elles est tenue «d'intervenir afin d'imposer la même neutralité chez l'administration et le gouvernement». La même approche doit, en outre, amener l'armée à empêcher un quelconque candidat de se servir des deniers publics à des fins électoralistes, mais aussi garantir un traitement équitable à l'ensemble des candidats dans les médias lourds, ce qui est loin d'être le cas présentement. C'est pour cette raison, déclare Taleb, en guise de conclusion de son discours, à propos d'un sujet sur lequel il était très attendu, que «devant le silence assourdissant de l'institution militaire, je ne peux que reporter l'annonce de ma candidature». Sur sa lancée, il a même évoqué, pour la première fois publiquement, la possibilité de ne pas du tout se porter candidat. Dans son discours, il faut le dire, Taleb, tance vertement les pouvoirs publics, accusés d'instrumentaliser la justice, mais de vouloir garder muselées les libertés publiques et individuelles, ainsi que le droit à la libre-expression dans les médias publics et privés. Il a également souligné que «le maintien en place de l'actuel gouvernement signifie que la fraude est déjà en place». Un constat qui lui permet de prévoir un scénario pire que celui de 1999. C'est pour cette raison, que Ahmed Taleb Ibrahimi préfère ne pas se présenter du tout au lieu de se retirer au dernier moment, contribuant malgré lui à crédibiliser un scrutin dont le résultat semble connu dès maintenant. Car, rappelle-t-il encore, le retrait des six candidats lors de la présidentielle d'avril 1999, laissant seul en lice l'actuel «candidat-président», avait été «un important jalon sur la voie de l'instauration d'une démocratie effective». Pour lui, le courage d'une pareille démarche, qui avait placé le pouvoir face à ses responsabilités historiques, avait eu ceci de positif qu'elle a «permis au peuple de reprendre confiance dans ses capacités de rejet de toute tutelle sur sa volonté». La situation en Algérie paraît telle, qu'en attendant que la démocratie fasse enfin son petit bonhomme de chemin, Taleb ne propose rien moins que l'introduction d'un amendement à la Constitution afin d'empêcher tout chef d'Etat de briguer un second mandat. Cette mesure transitoire, la seconde que propose Taleb, si l'on rappelle le retrait graduel de l'armée de la scène politique, viserait à faire en sorte que l'ensemble des candidats soient égaux dans leurs chances et leurs moyens, sans que l'administration ne fasse du zèle en faveur de l'un ou de l'autre candidat. Le règlement de la crise algérienne, aux yeux du président du mouvement Wafa passe obligatoirement par «la légitimation du pouvoir en place à travers des élections libres et transparentes». Ahmed Taleb Ibrahimi estime que «la réconciliation nationale (que Wafa prône également) passe par une solution politique en lieu et place de la réconciliation nationale sélective que pratique actuellement le pouvoir».