Les citoyens, eux, ont la tête ailleurs A moins de neuf mois de l'échéance, le système et les partis politiques ne se fixent toujours pas sur leurs candidats. Le flou est total. La prochaine élection présidentielle sera-t-elle ouverte ou fermée comme les trois dernières échéances? Le système parrainera-t-il un candidat ou laissera-t-il je jeu à la classe politique et le peuple? Dans le premier cas, l'opposition présentera-t-elle un candidat commun pour tenter de faire du poids ou se donnera-t-elle en spectacle avec des candidats qui ne sauraient représenter plus qu'eux-mêmes et certains membres de leurs clans? Même si les réponses sont à peu près connues, ces questions se posent avec acuité, notamment par les acteurs politiques qui ne perdent pas l'espoir que les règles du jeu vont changer d'un moment à l'autre. Pour le moment, le statu quo et le flou restent les seuls maîtres alors que le délai «légal» qui nous sépare de l'échéance présidentielle n'est que de quelque huit mois. Le système semble se chercher un candidat et l'opposition dispersée entretient l'espoir de trouver un consensus pour contrer l'éventuel candidat du système. Les acteurs politiques soupçonnent le système de vouloir entretenir le flou pour organiser une élection à sa convenance, surtout que le peuple a choisi la démission. Il donne l'illusion de l'organisation d'une échéance ouverte pour sauver les apparences vis-à-vis de l'étranger mais adopte et entretient la stratégie du flou. Les noms avancés pour succéder à Bouteflika sont tous issus du système même s'ils ont occupé des postes de responsables dans les partis comme le FLN et le RND. Ce qui pourrait accréditer la thèse selon laquelle le système veut organiser une élection ouverte à l'intérieur et fermée à l'extérieur. Mais pourquoi le système politique entretient toujours le flou à l'approche de la présidentielle? «Tout simplement pour empêcher l'alternative démocratique de se construire. Le régime, tous clans confondus, s'emploie à faire perdre le temps à l'opposition et au peuple algérien pour se donner à lui-même la marge de manoeuvre nécessaire pour choisir et imposer le candidat de la continuité du système politique», estime Ali Brahimi, ancien député et actuel porte-parole du Mouvement citoyen pour la liberté et le développement (Mcld). Pour sa part, Tarik Mira, un des initiateurs de la Campagne nationale pour la deuxième République et coanimateur de l'initiative pour la refondation démocratique (IRD), pense que ce flou est induit par l'état de santé du Président Bouteflika. Selon lui, le système réfléchira à comment sélectionner un président dans une scène électorale concoctée pour la circonstance afin de donner de la crédibilité au scrutin présidentiel. «Tout se passe comme si le système est le seul acteur de cette échéance. Il le sera effectivement étant donné la pulvérisation du champ politique et l'incapacité de l'opposition à mettre en place une alternative», ajoute notre interlocuteur. En maintenant le flou, les tenants du système politique cherchent à gagner du temps pour arranger leurs affaires et accorder leurs violons. Cette stratégie du flou et du statu quo a payé pour le moment. Son résultat? Blocage de toute initiative de candidature sérieuse. Jusqu'à aujourd'hui, aucun parti politique n'a osé annoncé, d'une manière franche, sa participation à l'élection présidentielle. Les seuls prétendants s'inscrivent parmi des technocrates comme l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, et le professeur Bounatiro. Des candidatures qui, du reste, sont loin de susciter l'intérêt de l'opinion publique en raison du poids insignifiant des candidats. Ali Brahimi souligne que «ce qui nous sidère au Mcld, c'est l'attitude passive et vaincue d'avance des partis de l'opposition». «Est-ce de la complicité, d'absence de perspectives ou tout simplement d'un état de délabrement avancé ou les trois à la fois?», se demande notre interlocuteur. Il appelle l'opposition démocratique à se rassembler et se reconsidérer «en urgence» en vue d'une mobilisation citoyenne à même d'assurer une élection présidentielle ouverte, libre et transparente «au point de vue scrutin et égalité des candidats».M.Mira se dit, quant à lui, surpris que «des initiés avertis des enjeux et du fonctionnement du système se laissent berner dans leur analyse et croient déceler, dans ces conditions, la possibilité d'un changement».