La répression sanglante des Frères musulmans en Egypte est une aubaine pour Al Qaîda qui pourrait en profiter pour se faire de nouveaux adeptes et ouvrir un nouveau front au Moyen-Orient, estiment des spécialistes. Elle pourrait faire basculer du côté de l'action violente et du terrorisme une nouvelle génération d'activistes convaincus, alors que les bilans de morts et de blessés s'alourdissent, par les diatribes du chef du mouvement fondé par Oussama ben Laden, l'Egyptien Ayman al-Zawahiri, qui condamne la voie démocratique et appelle à la lutte armée. «Il est à craindre que l'écrasement dans le sang de manifestations pacifiques n'encourage le passage à la violence d'une minorité islamiste convaincue de l'inanité de la voie politique» confie Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po (Paris), auteur du «Nouveau Moyen-Orient» (Fayard). «Les militaires égyptiens auront ainsi alimenté le terrorisme qu'ils prétendent combattre». Dans une intervention mise en ligne au début du mois sur des forums jihadistes, le chef d'Al Qaîda, dont le frère vient d'être arrêté près du Caire, a tenté de convaincre les internautes que la répression en cours prouve que le recours aux élections est une chimère et que seul le jihad et la lutte armée peuvent permettre l'avènement d'un régime vraiment islamique. «Pour Al Zawahiri», commente dans une tribune Bruce Riedel, ancien cadre de la CIA, «les Egyptiens doivent suivre la voie de Mohammed Atta, l'Egyptien qui a dirigé les pirates de l'air du 11 septembre et utiliser la terreur contre l'ennemi proche, l'armée égyptienne, et l'ennemi lointain, l'Amérique, qui a armé et entraîné les militaires égyptiens depuis que Sadate a fait la paix avec Israël en 1979». «Cet été en Egypte se joue l'avenir du jihad global. La prochaine génération d'Al Qaîda est en train de naître», ajoute M.Riedel, aujourd'hui analyste influent à la Brookings Institution, un groupe de réflexion de Washington. Déjà sur la Toile les appels se multiplient, appelant les jihadistes potentiels à tourner les yeux vers Le Caire. Le 5 juillet un nouveau groupe, qui s'est baptisé «Ansar al Chari'â en Egypte», a annoncé sa formation, affirmant que «la guerre a été déclarée contre l'Islam en Egypte» et demandant aux croyants de «se préparer en acquérant des armes et en s'entraînant». Dans plusieurs messages les islamistes somaliens shebab appellent également les musulmans d'Egypte et d'ailleurs à «prendre les armes». «Oubliez les appels à la démocratie, prenez les armes et défendez-vous contre les bouchers qui ont entrepris de vous massacrer».