L'absence de l'UMA, l'alignement de certains pays sur le Qatar et l'Arabie Saoudite ont créé des divergences politiques entre les pays du Maghreb. Au moment où la Grande-Bretagne renonce aux frappes en Syrie, certains pays arabes s'acharnent encore sur le projet d'attaque d'un pays issu de la même communauté linguistique, religieuse et culturelle. Depuis le début des grandes guerres dans la région du Moyen-Orient, les pays qui forment la très controversée Ligue arabe, ont toujours affiché leur désaccord sur les grandes crises militaires impliquant une intervention étrangère, notamment américaine sur le sol d'un pays arabe. Que ce soit en Irak, en Libye ou encore aujourd'hui en Syrie, les pays arabes ont toujours affiché un désaccord total dans le traitement des dossiers qui touchent pourtant leur région, leur culture et leur identité de pays arabo-musulmans. Même dans l'espace arabe le plus réduit comme le Maghreb, il n'y a jamais eu d'entente sur la question de l'intervention étrangère. Le cas de la Syrie confirme encore plus les désaccords profonds entre les trois pays du Maghreb: le Maroc, l'Algérie et la Tunisie. Comme pour le cas de l'Irak en 1991 et 2003, la Libye en 2011 et aujourd'hui la Syrie, l'Algérie garde la même ligne politique et diplomatique en défendant le principe de non-ingérence: «Non à toute intervention étrangère dans un pays arabe souverain. Privilégiant le dialogue dans toute crise interne.» Comme pour la Libye, l'Algérie avait déjà émis des réserves sur une éventuelle attaque de la Syrie et devrait voter «sans ambages» contre la résolution, fortement défendue par l'Arabie Saoudite et le Qatar soutenant et appelant à une attaque contre la Syrie. Les réserves de l'Algérie concernent l'alinéa 4 de la décision portant sur «le soutien total au peuple syrien pour se défendre» et le recours au Conseil de sécurité. L'ambassadeur d'Algérie au Caire et représentant de l'Algérie à la Ligue arabe, Nadir Larbaoui, avait appelé toutes les parties à assumer leurs responsabilités et à prendre conscience du caractère sensible de la situation à travers le suivi du travail du groupe d'experts de l'ONU qui a entamé sa mission en Syrie sur l'usage d'armes chimiques dans l'attente des résultats de cette enquête qui permettront d'adopter une décision adéquate contre les auteurs de ces crimes. L'Algérie qui a toujours été partisane d'une solution pacifique, s'interroge justement sur la résolution de la Ligue arabe qui soutient officiellement l'intervention militaire occidentale contre un de ses pays membres et qui accuse le régime syrien, alors que les résultats de l'enquête ne sont pas encore connus. La diplomatie algérienne a toujours gardé ses distances par rapport aux calculs politiques de certains pays du Golfe envers certains autres pays arabes comme ce fut le cas pour l'Irak, la Libye et aujourd'hui en Syrie. Ce n'est pas le cas du Maroc, favorable à la solution militaire. Comme certains pays occidentaux qui suivent les directives des Etats-Unis, le Maroc fixe la politique étrangère sur le choix de l'Arabie Saoudite. Donc il était presque normal que Rabat adopte la même attitude politique que Riyadh, principal soutien financier pour son armement dans la région. Même si le Maroc a mis six jours pour réagir après l'attaque chimique à Damas et quelques heures après la réunion des représentants de la Ligue arabe, le ministère des Affaires étrangères marocain a condamné, dans un communiqué rendu public mardi 27 août, un «massacre ignoble qui défie la conscience humaine». Dans le même communiqué, le Maroc «prend pour responsable le régime syrien des événements et des conséquences qui en découleront» et appelle «la communauté internationale à oeuvrer pour trouver une solution à même de sauver le peuple syrien et lui fournir des aides urgentes». Mais contrairement à la première guerre du Golfe pour laquelle le Maroc avait envoyé ses troupes comme soutien, ce dernier préfère se limiter à un simple encouragement pour une intervention militaire en Syrie. D'ailleurs, une rencontre inédite aura lieu au siège du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération et réunira les ambassadeurs du Maroc, des hommes politiques étrangers et des acteurs de la société civile sous la présidence du ministre des Affaires étrangères, Saâd Eddine El Othmani. Selon le quotidien marocain Akhbar Al Youm, la diplomatie marocaine étudiera à cette occasion les grands dossiers relatifs à la politique étrangère du Maroc. Selon la presse marocaine, Rabat reproche à Damas d'abriter une représentation du Polisario et d'avoir accueilli comme un chef d'Etat, le président sahraoui Mohamed Abdelaziz lors de son voyage en Syrie, en 1987. En attendant de voir plus clair sur le terrain militaire, le Maroc est aussi à la tête du groupe des «Amis du peuple syrien» puisqu'il accueillera le 12 décembre, à Marrakech, la prochaine réunion qui devrait réunir des représentants de plus de 70 nations. En revanche, la Tunisie qui fait face à une crise politique profonde, due à sa «révolution du Jasmin», est restée discrète sur une éventuelle intervention militaire étrangère en Syrie. Même si c'est à Tunis que s'est tenue la première «Conférence des amis de la Syrie» le 24 février 2012, sous la coprésidence de la Tunisie et du Qatar. A l'époque, le président tunisien, Marzouki, s'était montré hostile à une intervention militaire étrangère en Syrie et avait proposé l'immunité judiciaire à Bachar al-Assad et sa famille contre un refuge politique en Russie. M. Marzouki avait également appelé à la création d'une force arabe pour le maintien de la paix. Au mois de juillet dernier, Moncef Marzouki avait déclaré dans une interview accordée au journal Al Hayat que le régime syrien était «fini» et avait demandé à Bachar al-Assad de «se retirer». Mais depuis, les choses se sont corsées sur le plan politique intérieur et la Tunisie préfère ne pas révéler sa position sur cette crise épineuse. Depuis les derniers événements en Egypte et la chute de Morsi, la Tunisie a révisé ses relations avec le Qatar et préfère ne pas se lancer dans l'aventure de conflit généralisé dans la région. Enfin, l'absence de l'UMA, l'alignement de certains pays du Maghreb sur des pays du Golfe ont créé inéluctablement une situation de désunion et de cassure totale du Maghreb sur le cas de la Syrie.