Le pari perdu du Premier ministre britannique, David Cameron Un prochain remaniement ministériel est fort probable après ce veto parlementaire sur la possibilité d'une frappe en Syrie, camouflet jamais vu pour un gouvernement sur une action militaire depuis plus de 230 ans. David Cameron, dont le pays se retrouve hors-jeu face à une alliance Etats-Unis/France dans l'intervention militaire attendue en Syrie, est confronté à la difficile tâche de restaurer aussi son autorité sur le plan intérieur après la défaite historique subie au Parlement. Plusieurs journaux prédisaient hier un prochain remaniement ministériel après ce veto parlementaire sur la possibilité d'une frappe en Syrie, camouflet jamais vu pour un gouvernement sur une action militaire depuis plus de 230 ans. Cameron a été désavoué par 30 députés de son parti conservateur et, affront supplémentaire, 10 membres de son gouvernement de coalition n'ont pas participé au vote crucial de jeudi soir à la Chambre des Communes, qu'il avait convoquée en urgence. Deux d'entre eux, la ministre au Développement international Justine Greening et le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères Mark Simmonds ont expliqué, embarrassés, qu'ils n'avaient pas entendu la cloche appelant les députés au vote. Selon le Daily Telegraph, proche des Conservateurs, ces deux ministres pourraient faire les frais de leur bourde lors d'un remaniement susceptible d'intervenir dès la semaine prochaine, de même que plusieurs membres du gouvernement qui ne sont pas rentrés de vacances malgré la convocation lancée par Cameron. Le journal, comme le tabloïd de tendance travailliste Daily Mirror, indique que le «chief whip» George Young, chargé de faire respecter la discipline de parti par les parlementaires conservateurs, est aussi sur la sellette. «Humiliation», «catastrophe», «foirade de première»: les journaux n'ont pas de termes assez sévères depuis deux jours pour qualifier la pire déroute connue par David Cameron en trois années au pouvoir. Une défaite qui résulte d'un pari risqué du Premier ministre, désireux d'agir vite et qui n'a pas semblé prendre la mesure des réticences de l'opinion publique et des parlementaires, y compris dans son propre camp, face à une telle action. Le pays est encore marqué par le souvenir de la guerre en Irak en 2003 et les prétendues armes de destruction massive de Saddam Hussein qui avaient justifié l'invasion américano-britannique. Lors des débats jeudi, le Premier ministre a échoué à convaincre de l'opportunité d'une frappe, reconnaissant qu'il n'y avait «pas 100% de certitude» que le régime de Bachar al-Assad était responsable de l'usage d'armes chimiques le 21 août et appelant les députés à exercer leur «jugement» sur la base des preuves disponibles. David Cameron avait déjà dû revoir ses ambitions à la baisse, en acceptant sous la pression de l'opposition que ce vote ne porte que sur le principe d'une possible intervention, et non sur son déclenchement. Mais cela n'a pas suffi à rallier à sa motion les sceptiques, notamment le Labour qui demandait plus de garanties sur les preuves et plus d'implication de l'ONU. «M.Cameron a sous-estimé l'impact que la guerre en Irak a eu sur la confiance du public dans les hommes politiques et les services de renseignement. Le pays est devenu, las de la guerre, anti-guerre», estimait hier The Times dans un éditorial. Le journal estimait toutefois «qu'il fallait se garder de voir la défaite du Premier ministre comme une victoire pour (le dirigeant travailliste) Ed Miliband». Le chef de l'opposition n'a certes pas réussi au Parlement à imposer la motion alternative qu'il avait déposée. Mais son rôle dans le refus britannique de s'engager militairement en Syrie lui a permis de s'illustrer par sa pugnacité, après un été difficile au cours duquel il a été accusé au sein de son camp d'être inaudible. Si l'avenir immédiat de David Cameron à Downing Street n'est pas remis en question, à moins de deux ans des prochaines élections de nombreux Conservateurs l'appellent à «reprendre contact» avec son propre parti, déjà déchiré sur les questions de l'Union européenne et du mariage homosexuel. «Dans les années qui viennent nous avons un référendum en Ecosse et potentiellement un référendum sur l'appartenance (du Royaume-Uni) à l'Union européenne. Ce sont des questions d'une importance historique. Si le Premier ministre perd alors, cela fera passer le dossier syrien pour une tempête dans une tasse de thé», commentait le Daily Telegraph.