Le monde n'a jamais été aussi peu sûr que depuis que les «néo-cons» américains ont décidé de prendre les choses en main. Sous le label de lutte contre le «terrorisme» Israël, allié et pont avancé des Etats-Unis au Moyen-Orient, avait ouvert, en juin et juillet derniers, deux fronts simultanés au nord contre le Liban et au sud contre les Palestiniens, au moment où, plus à l'Est, en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis depuis trois et près de cinq ans mènent un combat sans issue contre le peuple irakien -dont la résistance à l'occupation est assimilée au terrorisme- et contre les talibans qui ont retrouvé, ces derniers mois, toute leur pugnacité alors qu'on les disait éliminés. Or, l'amalgame sciemment entretenu entre résistance nationale et terrorisme outre de compliquer la donne aura surtout permis au vrai terrorisme (qui peut être d'Etat comme celui d'Israël qui a commis des crimes de guerre contre les peuples palestinien et libanais) de prospérer. Ainsi, cinq années après le 11 septembre 2001, la lutte supposée contre le terrorisme n'a pas avancé d'un iota, bien au contraire, ici et là de nouveaux foyers de turbulence s'ouvrent chaque jour. En faisant cavalier seul et en snobant la communauté internationale, y compris son hémisphère sud -pas seulement celle convenue représentée par l'Occident- les Etats-Unis qui ont fait de la lutte contre le terrorisme une «affaire nationale» auront surtout contribué à marginaliser le véritable combat contre le fléau de ce siècle. En prenant la tête de la lutte contre le terrorisme en écartant les Nations unies -qui auraient dû être les véritables maîtres d'oeuvre de ce combat de longue haleine- l'administration Bush aura fait tout faux d'autant plus qu'aucun des objectifs qu'elle s'était assignés - depuis les attentats antiaméricains de New York et de Washington - n'a été atteint. Bien au contraire, l'invasion de l'Irak en mars 2003, justifiée par la collusion du régime baasiste de Saddam Hussein avec Al Qaîda, loin de mettre un terme à ce phénomène aura surtout contribué à faire de l'Irak une pépinière et un bastion du terrorisme sous toutes ses formes. Notons qu'un rapport de la commission de renseignements du Sénat américain, rendu public la veille de la commémoration du cinquième anniversaire du 11 septembre, a nié l'existence de tout lien entre le régime irakien de l'époque et la nébuleuse islamique. Aujourd'hui, en fait, refuser le diktat américain est connoté au terrorisme, refuser l'occupation israélienne, qui entraîne la résistance, est de la même manière qualifié de terrorisme. En un mot contester en 2006 le droit «régalien» du plus fort est immédiatement connoté au terrorisme. En mai 2003, deux mois après l'invasion de l'armée américaine, le président Bush annonçait martialement «Mission accomplie (...) guerre est finie». Or, en Irak, la chute du régime de Saddam Hussein n'a apporté ni la paix ni la sécurité, bien au contraire, le pays est au bord de la conflagration généralisée et de la partition. L'insécurité et l'anarchie sont omniprésentes. Où est donc la démocratie promise par l'administration Bush? La résistance des sunnites irakiens à l'occupation, n'est pour les stratèges de l'administration américaine que le fait des tenants de l'ancien régime et les rébuts de l'armée irakienne, appuyés par des «terroristes» internationaux liés à la nébuleuse Al Qaîda; les chiites ne s'alignent pas (ou n'entrent pas dans la stratégie pro-américaine de leurs dirigeants à l'instar de Moqtada Sadr) ils subissent, explique-t-on, doctement à Washington, la néfaste influence iranienne (l'Iran étant l'un des Axes du Mal selon l'expression très imagée du président américain George W.Bush). Enfin, toute opération anti-américaine corrobore, selon toujours les néo-conservateurs américains, le fait que ces gens si «malintentionnés» «haïssent» les valeurs occidentales dont les Etats-Unis en sont, à l'évidence, l'avant-garde et les hérauts. Les soldats américains en Irak et en Afghanistan, l'armée israélienne au Liban et dans les territoires palestiniens occupés, qui représentent «naturellement» le bien, font donc, à les écouter, oeuvre de salubrité publique en tuant les «odieux» ennemis des valeurs occidentales. Mais il y a le revers de la médaille à ces affabulations simplistes, car plus les marines américains tuent de résistants en Irak, les GI's de talibans en Afghanistan, plus les Israéliens tuent des Palestiniens dans les territoires occupés, plus d'autres résistants prennent la relève, plus d'autres organisations plus radicales voient le jour. Bush, qui semble agir par impulsion, n'en est pas à une trouvaille près, pour justifier sa croisade contre tout ce qui n'entre pas dans le moule que les «néo-cons» (néo-conservateurs) américains, dans leur ambition impériale, ont tracé pour le reste de la planète. Ainsi, après l'Axe du Mal, les «Etats voyous», George W.Bush en est maintenant à évoquer le «fascisme islamique» franchissant un nouveau pas vers le clash des civilisations. Aussi, le 11 septembre, qui aurait pu et dû être un élément fédérateur clé dans la lutte contre le terrorisme - qui ne menace pas uniquement les Etats-Unis - a été instrumentalisé à outrance par l'administration Bush pour imposer sa vision des choses au reste du monde. Et c'est cela l'échec, à tout le moins cuisant, de la méthode Bush dans la lutte contre le terrorisme international qui n'est pas uniquement à connotation islamique.