Il y a des amis de Bacchus qui observent une trêve durant le Ramadhan. Juste après, patatra. Maître Houria Benantar, l'avocate de Seddik W. pris en état d'ébriété, la tête sous le capot sur un pont du côté de Dar El Beïda, était motivée car... il est jugé ce lundi en opposition. Il avait écopé d'une peine d'emprisonnement ferme de deux ans pour... conduite en état d'ivresse avec un gramme quinze d'alcool dans le sang au moment où il a été interpellé. Détenu par la faute de son absence lors du procès, Seddik W. 29 ans verra, avec un réel plaisir, son défenseur littéralement éclater à la barre refusant l'idée même de la conduite en état d'ivresse et elle dira pourquoi. Elle criera un peu plus tard à la face du tribunal où trône ce rude Khaled Benyounès qui fera un effort pour ne pas interrompre l'avocate qui ne criait pas, mais qui, carrément... hurlait de désespoir à la suite de ce qu'elle appela «le dérapage des éléments de la police judiciaire» avant de poursuivre que «son client n'a jamais été interpellé conduisant ou même assis derrière le volant». Moslem, le procureur sait de quoi il s'agit. «Pourquoi et dans quel but a-t-on agi de la sorte? Si c'est pour les statistiques, c'est raté, car le nombre d'accidents mortels hebdomadaires fait oublier ceux qui sont pris conduisant en état d'ébriété. Et ce gramme quinze de taux d'alcoolémie aura servi à quoi? A jouer dans la balance du juge? Mais vous ne serez pas dupe ni vous, madame la procureure (Barkahoun Messaoudi sourit trois secondes et ses traits s'illuminaient) qui avez sous les yeux le procès-verbal d'audition contenant le gros raté. Rien que pour cela, nous vous demandons la relaxe car l'état d'ivresse sans faute, ni bêtise n'est pas un délit c'est seulement péché», a martelé Maître Benantar alors que l'autre Maître Benantar, Ahmed de Rouiba, vient d'entrer dans la salle d'audience pour le dossier des véhicules volés dont les débats avaient été renvoyés une semaine plus tôt à cause de l'absence dans ce même dossier de casiers judiciaires nécessaires pour le bonne tenue d'un procès loyal, car Khaled Benyounès est un jeune magistrat qui tient à la transparence et à la régularité, surtout qu'il avait exercé avec les autres robes noires et avait appris tous les «trucs» à éviter pour aller vers la seule vérité. D'ailleurs, la coïncidence voudra ce jour-là que Maître Benyounès, encore imberbe, avait plaidé plusieurs fois à El Harrach face à de rudes et rares juges du siège tels l'incomparable Zoulikha Khelfaoui Laïchar, Malika Djabali, Mohammed Boukhatem, Fouzia Oudina et autres Aouissi aujourd'hui à Médéa. Pour revenir au délit, que la quasi-totalité des juges n'examinent jamais ce genre de dossiers, le coeur sur la main. Certains iront même jusqu'à refuser la moindre circonstance atténuante même si pour certains juges tolérants, ils s'écrient, juste pour que la balance ne soit pas trop déséquilibrée: «Oh hé! inculpé, il n'y a aucune loi qui interdit la consommation d'alcool! Mais la loi interdit de boire et prendre, juste après, le volant. C'est ça le délit. D'ailleurs, ne dit-on pas souvent: «Boire ou conduire?» Oui, le volant allié à l'alcool tue. Il tue non seulement ceux qui sont ivres, mais aussi des gens sobres venant en sens inverse!». Les demandes de Moslem seront dans la ligne de la loi. C'est dans ce sens et cet esprit de prévention que Benyounès oubliera que Maître Houria Benantar a trop crié pour infliger une peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis et ce, à quelques jours seulement de la fin du Ramadhan 1434, histoire de rappeler que ce Seddik W. avait vraiment soif durant le jeûne qu'il a observé comme la majorité des fans de Bacchus qui observent une trêve le temps du jeûne, histoire de reposer les organes, mais pas le fric sorti pour d'autres... gourmandises.