La Croix-Rouge kenyane a révisé à la hausse hier le bilan de l'attaque, qui entrait dans son troisième jour, d'un commando islamiste contre le centre commercial Westgate de Nairobi. Un précédent bilan faisait état de 68 décès. Aucune indication n'avait jusqu'ici été donnée sur le nombre de portés disparus, qui, 48 heures après le début de l'agression, pourraient soit être encore retenus en otage, soit se cacher dans le centre commercial, soit être morts. Les autorités kenyanes avaient dès dimanche mis en garde contre une hausse encore drastique du bilan, les forces de sécurité découvrant de nouveaux cadavres dans leurs assauts contre le commando. Plusieurs assauts ont été lancés pour tenter de venir à bout des islamistes, qui seraient encore une douzaine dans le bâtiment. Les forces de l'ordre kenyanes disent avoir sécurisé la majeure partie du bâtiment et réussi à isoler les attaquants en un seul endroit du centre commercial, un établissement de luxe réputé en partie détenu par des Israéliens qui était bondé de Kenyans et expatriés samedi au moment de l'attaque. Mais il restait très difficile d'obtenir des informations précises sur la situation à l'intérieur du bâtiment rectangulaire de quatre étages, dont sont tenus à distance les journalistes depuis samedi après-midi. Le carnage a été revendiqué par les insurgés islamistes somaliens shebab, qui disent agir en représailles de l'intervention militaire kenyane en Somalie, lancée fin 2011. Dans une déclaration audio mise en ligne sur Internet, leur porte-parole, Sheikh Ali Mohamud Rage, a menacé d'ordonner d'abattre les derniers otages, face à la «pression» exercée par les forces kenyanes et leurs alliés «chrétiens» sur les assaillants cernés dans Westgate. Selon une source sécuritaire, des agents israéliens interviennent aux côtés des forces kenyanes pour tenter de secourir les personnes encore prises au piège. Dimanche en fin de journée, le président Kenyan, Uhuru Kenyatta, avait de son côté indiqué avoir reçu des offres d'aide de plusieurs «pays amis». Il avait tenu à préciser que l'opération restait une «opération kenyane». Plusieurs étrangers, dont deux Françaises, trois Britanniques, un Sud-africain, une Sud-Coréenne, une Néerlandaise, un Péruvien et deux Indiens ont été tués dans l'attaque, ainsi qu'un célèbre poète et homme d'Etat ghanéen, Kofi Awoonor. Cinq Américains et de nombreux autres Occidentaux -cibles privilégiées des assaillants- figurent parmi les blessés. Le commando islamiste a pénétré samedi à la mi-journée dans le centre commercial, ouvrant le feu à l'arme automatique et lançant des grenades sur les clients et employés du centre. Des heures durant, ces derniers, piégés dans le centre, ont émergé au compte-goutte du bâtiment, au fur et à mesure de la lente progression des forces de l'ordre. Il s'agit de l'attentat le plus meurtrier à Nairobi depuis une attaque-suicide d'Al Qaîda en août 1998 contre l'ambassade des Etats-Unis, qui avait fait plus de 200 morts. Des intérêts israéliens au Kenya ont déjà été la cible d'attaques revendiquées par Al Qaîda: en 2002, un attentat suicide contre un hôtel fréquenté par des touristes israéliens avait tué 12 Kenyans et trois Israéliens près de la ville côtière de Mombasa. Presque simultanément, un avion de la compagnie israélienne El Al avec 261 passagers à bord avait échappé de peu aux tirs de deux missiles à son décollage, également à Mombasa. Selon des témoins, les agresseurs ont «tiré dans le tas» samedi à Westgate. D'après un employé du centre commercial, Titus Alede, «ils ne voulaient pas d'argent», «ils ont dit +vous avez tué notre peuple en Somalie, c'est à votre tour de payer+». A la mi-journée hier, des préparatifs se sont accélérés dans un centre de secours installé à proximité du Westgate en vue de l'arrivée d'éventuels rescapés: matelas et fauteuils roulants ont été installés, une cellule de soutien psychologique mise en place. Dans une capitale connue comme le «hub» de l'Afrique de l'Est, où vivent de nombreux expatriés rayonnant dans toute la région, le Westgate était régulièrement cité par les sociétés de sécurité comme une cible possible de groupes liés à Al Qaîda comme les shebab.