La bataille larvée par le biais de l'armée marque en réalité la faillite de la classe politique Ce qui devait être une élection présidentielle pluraliste - la troisième depuis 1962 - commence à ressembler dangereusement à un acharnement de cinq candidats contre un seul. Le président de la République et néanmoins candidat à sa propre succession, fait mine, de son côté, d'ignorer «royalement» ses adversaires et même si on lui oppose l'institution militaire, il répond (à partir d'Aïn Témouchent) qu'il est réellement «le candidat de l'armée». Vingt-quatre heures après le retentissant «je suis le candidat de l'armée», celle-ci répond, par la bouche de Benflis, qu'elle s'en tient à sa décision première: la neutralité. En bons stratèges militaires, les candidats savent que la «carte militaire» est porteuse, fait peur et attire à la fois, et c'est pour cette unique raison que tous, même l'armée, en use à fond. Les des... boires des uns Une campagne peut commencer par une ghaïta-zorna mais doit nécessairement finir par une tasse de café. Presque tous les candidats ont pris leur café là où ils sont passés, mais celle prise par Saïd Sadi n'a pas été de son goût. Secoué, chahuté et bousculé par les anti-élection, Sadi a quitté Draâ Ben Khedda avant-hier, en prenant sur la tête une tasse de café bien chaud de la part d'un citoyen excédé par le conflit kabyle. Echaudé par ses talk-shows mémorables de 1999, le président-candidat Abdelaziz Bouteflika, qui avait «perdu la voix» à plusieurs reprises à l'époque, n'omet plus de prendre, dans ses bagages, du pur «assel hour» (miel naturel, Ndlr). Dans un autre registre des ruses de guerre, on retrouve que l'éducation figure en bonne place. Hier, Louisa Hanoune, à partir de son périple à Ouargla et Hassi Messaoud, a longuement stigmatisé les dysfonctionnements du secteur, en faisant les yeux doux aux enseignants. De toute façon, elle n'a pas fait mieux qu'Ali Benflis ou Rebaïne. Ce dernier avait promis, hier, d'ouvrir «les voix du dialogue» et d'instituer une réforme telle que le secteur de l'éducation s'en trouvera amélioré. Benflis, lui, s'était égosillé à demander à la foule : «Qui a pris un enseignant à la gorge et a failli l'étrangler?» (allusion à l'incident survenu entre le président et un enseignant à la fac centrale il y a plus d'une année), puis a récité le mémorable panygérique du poète Ahmed Chawki faisant l'éloge de l'enseignant : «Qoum lil-mouallimi waffiki tabjila!». Dans le même temps, l'inénarrable Abdelkader Hadjar lacérait Benflis à pleines dents sur la chaîne de télévision Al Arabiya : «En deux mots, Ali Benflis a trahi la confiance des cadres du FLN en procédant à l'exclusion de ses adversaires. C'est un apprenti despote qui a voulu diriger le parti d'une main de fer, tout en prétendant promouvoir la démocratie dans le pays. Le président lui a accordé toutes les faveurs et toutes les facilités, et voilà aujourd'hui comment il le remercie.» Identique, les tiques Une autre stratégie appelée «de la tique» consiste à adhérer dans le corps d'un autre et d'en sucer le sang jusqu'à satiété. C'est plus simple et ça permet d'avoir toujours de quoi se nourrir à portée de la bouche. Ce qui devait être la fête aux programmes politiques, aux discours d'intellectuels, commence à ressembler à une tempête de dénigrements, de calomnies et de prétentions de freluquets. La manière la plus simple de se mettre en valeur et de lacérer l'autre, son programme, ses objectifs, et même sa personne. Hier, Bouteflika, à partir de Boumerdès et Bouira, faisait l'éloge de sa propre politique et tournait autour de lui-même dans un narcissisme triomphant sans bégayer, alors que des hauts des maquis qui surplombent les villes qu'ils a visitées, au moins 300 terroristes l'écoutaient, le regardaient peut-être, et planifiaient de nouveaux attentats. Ali Benflis de Béchar, Louisa Hanoune de Ouargla, Djaballah d'Aïn Defla, Saïd Sadi d'El Oued et Fawzi Rebaïne de Tiaret taillaient, en pièces le bilan des cinq années de Bouteflika. Hanoune a précisé que les émeutes des jeunes étaient «provoquées par des manipulateurs» (suivez son regard) et Benflis avait promis, s'il était élu, «d'instaurer une démocratie d'où seront bannis l'exclusion et le mépris de l'opinion des autres». Dieu se fait petit C'est le moment choisi par Rabah Kebir, porte-parole de l'ex-FIS à l'étranger, de sortir de son silence et porter son choix sur Bouteflika. L'incidence de ce choix est à mesurer par la force que constituent tous ses appendices en Algérie, à commencer par l'AIS. Cependant, à quinze jours de l'élection, Bouteflika sent que le «match sera serré»: «Si vous voulez choisir la continuité, je suis là, mais si vous choisissez un autre, je serai encore avec vous.» Celui qui a fait son calcul de voix déjà - comptabilisé, sait jouer le charme et l'émotion lorsqu'il s'agit de convaincre une région encore secouée par les répliques du séisme du 21 mai 2003. A l'époque, et excédé par les revendications multiformes des sinistrés, il avait lancé: «Mâ rânich rabbi !» (je ne suis pas Dieu, Ndlr).