13h30. Le cortège du candidat du MRN, M.Djaballah, gagne la wilaya de Aïn Defla. Cette région agropastorale ayant souffert du terrorisme barbare pendant les années de plomb, n'a pas donné de signes d'intéressement à l'effervescence électorale, qui a entamé, hier, son sixième jour consécutif. Les affiches représentant les six candidats en lice ont grandement fait défaut, excepté quelques posters du président-candidat, les façades extérieures ont été barrées de graffitis exprimant les désirs «pressants» de la population locale. «Visa», «emploi» ont pris la relève des slogans électoraux. Arrivé à la ville de Khmis Miliana, destination initiale, Djaballah n'a pu captiver l'attention des passants qui vaquaient à leurs occupations comme si de rien n'était. «De toute façon, on n'a de préférence pour aucun candidat», nous répondait sèchement un étudiant qui se trouvait sur les lieux par «pur hasard». Comme à Boumerdès, les autochtones de Aïn Defla reprochent aux hommes politiques de ne se souvenir de l'Algérie profonde que lorsqu'il s'agit de «nous inciter à aller aux urnes pour le besoin de leur carrière». Imperturbable, le leader du MRN ne s'est pas départi de cette indifférence pour prêcher les grandes lignes de son programme présidentiel. A l'aide d'un mégaphone, il s'est égosillé - devant une vingtaine de badauds qui faisait office d'auditoire - à «voter massivement pour le changement le 8 avril prochain». Pour une fois, ce sont les citoyens qui ont toisé du regard des hommes politiques adoptant un profil bas. «Difficile d'enraciner l'espoir dans les coeurs d'une population qui ne cesse de cumuler les désillusions», commentait un député d'El-Islah. Au chef-lieu de wilaya, l'accueil était chaleureux non parce qu'il y avait foule, mais parce qu'un soleil de plomb était au rendez-vous. Ainsi, le chef de file d'El-Islah a préféré ménager ses efforts pour le meeting de la soirée en n'y observant aucune halte. Cependant, Djaballah a pu rassembler une foule nombreuse dans l'avant-dernière escale à la localité d'El-Attaf. Lisant la misère et le désespoir sur les visages ratatinés qui l'entouraient, l'orateur s'est focalisé, essentiellement, dans sa brève intervention sur «la nécessité de prendre à bras-le-corps les jérémiades de toutes les couches déshéritées». A cet effet, il a plaidé la cause des handicapés, des pauvres, des chômeurs...Aussi, il a découvert toute sa vocation islamiste qu'il a enfourchée afin de fustiger «les partisans de l'abrogation du code de la famille dans l'objectif de faire disparaître à jamais les traditions ancestrales de la famille algérienne». Djaballah ne croit, à propos, qu'aux préceptes de l'islam qui ont «indiqué toutes les voies salutaires». Et c'est au nom du Coran qu'il a appelé ses auditeurs à voter pour l'homme qui «vous convient». De retour au chef-lieu de la wilaya, Djaballah a observé un dernier arrêt au niveau de la daïra d'El-Abadia. Comme il l'a fait à Bouira, une invitation a été lancée aux jeunes de la région pour discuter de leur quotidien autour d'une tasse de café. La formule a donné ses fruits, puisque l'assistance a montré sa satisfaction quant aux promesses de leur vis-à-vis. Les deux parties se sont séparées pour se donner rendez-vous au matin du 8 avril. Pénétrant dans la salle où se tient le meeting archicomble pour la circonstance, le candidat islamiste a été chaleureusement ovationné. Ironiquement, un proche du «cheikh» s'est félicité que «les gosses de Bouteflika» ne faisaient pas partie de la réception. Notre interlocuteur faisait allusion aux bandes de gosses qui avaient l'habitude d'accueillir Djaballah par les cris «vive Bouteflika». Concernant le discours qu'il a développé tout au long d'une demi-heure, Djaballah a introduit deux donnes majeures, susceptibles, à ses yeux, de décrédibiliser davantage le chef de l'Etat et candidat à sa propre succession. Il a surtout mis l'accent sur l'assassinat du chef spirituel du mouvement palestinien Hamas, cheikh Yassine, pour dire que «le plus grand point faible de la nation arabe sont ses gouvernants dont ceux de l'Algérie». Comme il n'a pas manqué de ressasser «l'incident» diplomatique ayant émaillé les relations algéro-britanniques. L'orateur y a trouvé «une preuve insoupçonnable pour faire paraître l'échec de la diplomatie de Bouteflika». Suite à ce préambule qui lui a valu des applaudissements frénétiques, Djaballah est revenu sur le quotidien malmené de la population locale. Un chapelet de «solutions» a été proposé pour peu que «vos voix ne nous fassent pas défaut le 8 avril». Les acclamations «Djaballah sera le président» ont été la réplique de l'assistance. Concrètement, il a promis la révision de la Constitution «pour réduire la mainmise du président», «l'ouverture des champs politique et médiatique» et bien entendu son slogan fétiche: «Le renforcement de l'unité nationale.»