Ce ne sont pas les cordes sensibles qui manquent pour que la campagne ne laisse personne indifférent. C'est demain, jeudi, que s'ouvre officiellement la campagne électorale comptant pour la course à la députation. Officiellement, pas moins de 23 partis et plus de 200 listes indépendantes sont en lice. Officiellement, donc, les choses se préparent sous les meilleurs auspices. La commission politique avait même tenu, lundi, sa première réunion publique en vue de tirer au sort les temps de passage des partis et listes en lice dans les médias publics. Pas moins de 943 listes se disputeront les 389 sièges que compte la Chambre basse du Parlement algérien. Il semble, a priori, qu'aucune objection n'ait été formulée sur les résultats de ce tirage au sort. Ce qui retient l'attention, en outre, c'est le caractère hésitant de cette campagne. La plupart des partis ont choisi les wilayas de départ de leur campagne électorale. En effet, le RND entamera sa campagne dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj ou son secrétaire général, Ahmed Ouyahia animera un meeting populaire. Le FLN a opté pour la wilaya de Ouargla où M.Ali Benflis rencontrera la population. Le porte-parole du PT, Mme Louisa Hanoune a choisi d'inaugurer sa campagne électorale à partir des wilayas de Chlef et Aïn Defla. Les chefs de file du PNSD, M.Taleb Mohamed Chérif, du mouvement Ennahda, M.Adami et du MRN, M.Djaballah, entameront leur campagne respectivement à Alger, Laghouat et Djelfa. Mais les thèmes de campagne ne semblent pas avoir été clairement définis. Exception faite des lieux communs que sont la relance économique, le rétablissement de la sécurité, etc. Pas un parti n'a encore développé un quelconque thème original, passible d'intéresser les foules si l'on excepte certains partis de l'opposition farouchement hostiles à la tenue de ce scrutin. Il convient d'ajouter qu'aucun parti participant à ces élections n'a pensé à toucher du doigt les graves anomalies qui «empoisonnent» la tenue de ces élections. Outre le report de la date de dépôt des candidatures et les graves contretemps qui en ont résulté, il faut bien rappeler que depuis la nomination de Saïd Bouchaïr à la tête de la commission politique, l'Algérie n'a plus de Conseil constitutionnel digne de ce nom. Or, cette institution est l'ultime recours des insatisfaits, mais aussi le seul organisme habilité à proclamer les résultats du scrutin du 30 mai prochain. Ce n'est pas tout. Même si de grosses cylindrées comme le FLN, le MSP et le MRN ont décidé de prendre part à ces joutes électorales, des partis comme le FFS et le RCD, mais aussi toute la mouvance dite «démocratique républicaine» a décidé de bouder ce rendez-vous. Une pareille absence, par trop remarquée, met un maximum de chances du côté de la mouvance islamiste toutes tendances confondues. L'islamisme politique a d'autant plus le vent en poupe que le RND traverse présentement une zone de turbulences qui risque de le sanctionner très sévèrement le soir de la proclamation des résultats du scrutin du 30 mai prochain. Ce n'est pas tout. Les APC aux mains du FFS et du RND, en majorité basées en Kabylie et à Alger, ne menacent rien moins que de bloquer les préparatifs et le déroulement du scrutin. Si ces menaces venaient à être mises en application, ce sont des communes, peut-être des wilayas, entières qui ne voteraient pas. Sur un autre plan, cette campagne électorale intervient sur fond de profond dépit populaire, générateur d'émeutes tous azimuts, de mouvements de colère très prononcés et même d'une recrudescence terroriste jamais observée depuis l'entrée en vigueur de la loi portant concorde nationale. Les partis présents au pouvoir, donc, auront fort à faire pour convaincre les citoyens qu'ils feraient mieux la prochaine fois. A côté des risques certains d'un taux d'abstention record, autre facteur aggravant de la montée en puissance de l'islamisme politique, le risque d'un vote sanction, comme celui de 90 n'est pas du tout à écarter. En tout état de cause, des partis comme le FLN et le RND auront 19 jours pour convaincre les citoyens du bien-fondé de leur démarche, et couper, ainsi, l'herbe sous les pieds de l'islamisme. Exception faite du MRN ainsi que des partis croupions, l'opposition, elle, ne sera représentée que par le PT. Un parti par qui la surprise pourrait bien advenir.