Le réalisateur Amar Si Fodil dirige son équipe lors du tournage de Jours de cendre La caméra de Amar Si Fodil aime ses personnages et prend le temps de s'attarder et s'attendrir sur chacun d'entre eux. Un film 100% algérien réalisé avec une équipe de moins de 30 ans précise-t-on à chaque fois pour présenter le film. Mais au-delà de ce challenge majeur dans la sphère improbable de la production algérienne, Jours de cendre, premier long métrage de Amar Si Fodil se présente aussi comme le seul vrai film de cinéma professionnel quasiment, dont le genre se tourne vers l'action à l'américaine nonobstant quelques tentatives entreprises ici et là, dans le court métrage notamment. D'emblée, l'on sent les influences du réalisateur lorsqu'on découvre face au miroir la comédienne Lamia Bousekine entichée d'une perruque noire et d'un tailleur noir et blanc qui n'est pas sans rappeler le film Pulpe fiction de Quentin Tarentino. Un clin d'oeil qui nous entraîne au vif du sujet. Jours de cendre est un drame social dont les déclinaisons s'attachent à montrer les méchants sous un nouvel angle. Le réalisateur s'est plu à les humaniser sans pour autant les juger et à dire ce qui les a poussés à commettre des actes illicites. Le cinéaste aime ses personnages, c'est sûr. Sa caméra s'attarde et s'attendrit sur chacun d'entre eux en les caressant par sa lumière. Elle espère sans aucun doute nous faire pénétrer dans l'esprit de chacun. Elle prend donc le temps avant de nous entraîner dans leurs inévitables méfaits où personne quasiment, n'en sortira indemne. Jours de cendre met en scène l'histoire d'une rencontre entre Amir (parfaitement campé par le charismatique, Youcef Sahari) homme d'affaire véreux avec trois parias de la société, une jeune orpheline dont la vie ne lui a pas fait de cadeau, un fou manipulateur, alias Amine Benchamla et un ex-malfra incarné par Farid Guettal. Alors que ces trois anti-héros tentent de s'en sortir tant bien que mal, Amira finit doucement mais sûrement par les entraîner à nouveau dans ses sobres affaires de crime et de vol. S'ensuit une première descente dans une maison dont la femme séquestrée (Anya Louanchi) n'est autre que l'épouse d'un flic colérique. Tout se complique, l'affaire se corse et tourne au vinaigre. Est-ce un complot mal organisé ou un piège? Le suspense tout comme le meurtre sont les quelques ingrédients qui vont émailler judicieusement ce film à force densité psychologique. Certaines scènes vont faire rire le public. Quelques répliques incongrues surtout. Cela démontre si bien qu'un scénario échappe toujours au contrôle de son auteur. Jours de cendre révèle ainsi comment on arrive à devenir psychopathe, et passer du bon au côté obscur. Au-delà de quelques maladresses au niveau du dialogue, le film dévoile un jeu d'acteur époustouflant de justesse et un rythme narratif des plus construits et aboutis. Une première tentative cinématographique réussie pour ce réalisateur qui prépare, d'ores et déjà, un autre long métrage policier, avec le producteur Yahia Mouzahem. Comment faire un film sans tomber dans le cliché est une question qui taraude chaque réalisateur lorsqu'il s'attaque à un film policier quand on sait que son imaginaire est bien imbibé et nourri déjà des images qui nous viennent d'ailleurs. Amar Si Fofil a donc gagné le pari de ne pas se fourvoir dans le trop faux semblant m'a-tu-vu à dose de course poursuite mais de raconter l'histoire par le biais de la densité dramatique. Celle-ci est bien appuyée par la bande son musicale qui se traduit par des morceaux raï dans la plupart du temps comme signe de misère ou de blessure dans les tréfonds de nos âmes. Deux possibilités s'offraient au cinéaste, a t-il fait savoir: «Tourner un film sur un ton réaliste ou bien pencher vers les digressions que seul le cinéma peut se permettre tout en racontant une histoire profonde en réunissant à la fois l'esthétique et la subtilité du sujet...» Jours de cendre en est le bel exemple.