Les menaces brandies contre la fraude sont prises au sérieux par les observateurs et les chancelleries occidentales. La campagne électorale boucle sa première moitié puisque, aujourd'hui, seul une dizaine de jours nous séparent de sa fin. Le premier bilan qui s'impose est qu'elle se déroule dans un climat relativement serein au regard des énormes craintes exprimées au départ. Les quelques dépassements et attaques commises contre des permanences ont réussi à être circonscrits. Bien peu d'observateurs pensent que nous assistons à un prélude de dérapages autrement plus graves dans les prochains jours. Le second élément, le plus important sans doute, a comme de juste trait à l'importance de plus en plus accrue que prend le candidat du FLN. Ce dernier, qui draine des milliers de personnes partout où il passe, prouve sur le terrain qu'il a les moyens de faire de l'ombre au président-candidat. Ce dernier, qui comptait beaucoup sur la possibilité d'en finir dès le premier tour, car toute autre alternative risquant de lui être fatale, voit ses chances s'amenuiser de plus en plus. Les soutiens apportés par les présidents de Wafa et du FNA n'ont pas tardé à se faire sentir sur le terrain. Les cadres de Wafa, qui ont battu le rappel des troupes partout dans le pays, ont également mené une contre-offensive fructueuse par rapport à la tournée de Messahel et Benyounès dans le Vieux Continent en direction de l'émigration. Le général Benyellès, qui jouit d'une notoriété certaine auprès de dizaines de milliers de citoyens, s'apprête lui aussi à annoncer son soutien au candidat du FLN. Sid-Ahmed Ghozali, qui a déjà appelé les militants et les sympathisants du Front démocratique, son parti, à ne pas voter en faveur du président-candidat, s'apprêterait lui aussi à rallier le camp de la coalition pro-Benflis. Il est devenu quasi certain, aux yeux de tous les observateurs avertis de la scène politique que Benflis, qui a acquis un poids politique lui permettant de devenir carrément le prochain président de la République, «empêchera Bouteflika de passer dès le premier tour, quand bien même ce ne serait qu'avec la moitié des suffrages exprimés». L'on précise à ce propos, que même si le président-candidat ne décroche que 51 ou 52 %, les 48 restants, auxquels il faudrait soustraire quelques points dus aux bulletins nuls, ne sauraient en aucune manière refléter le poids véritable de candidats tels que Benflis, Djaballah ou même Louisa Hanoune, en train de mener une campagne de très haut niveau et de gagner la sympathie de dizaines de milliers d'Algériens partout dans le pays. Tous les candidats, en lice ou disqualifiés, se sont accordés à dire que «s'il n'y a pas de second tour, c'est qu'il y a eu fraude». Bouteflika, qui fait face à une fronde sans précédent, ne saurait faire face à une protesta de nature dix fois plus importante et plus grave que celle qu'avait vécue l'Algérie en octobre 97, au lendemain de la fraude du siècle, concoctée par l'actuel chef du gouvernement, au profit du RND comme l'a prouvé par la suite le rapport accablant de la commission d'enquête parlementaire mise en place à cet effet. Benflis menace d'une deuxième révolution, pareille à celle de Novembre 54. Si le second tour se confirmait l'Algérie vivrait la première expérience du genre de son histoire post-indépendance. Les chancelleries occidentales, qui suivent avec attention le déroulement de la campagne en Algérie, pencheraient toutes en faveur d'un scénario de ce genre. Le déménagement précipité du consulat britannique, n'ayant rien à voir avec les explications gênées de Belkhadem, répondrait à une pareille logique alors que chacun doit garder en mémoire les déclarations du chef d'état-major de l'ANP qui disait avoir plusieurs scénarios en tête avec les répliques qui s'imposent. L'éventualité d'un second tour, loin d'être une simple vue de l'esprit, aurait des conséquences désastreuses sur les comités de soutien du président. On assisterait à un véritable raz-de-marée en faveur de Benflis, un peu pareil à ce qui s'était passé en France contre Le Pen. Même Saïd Sadi ne trouverait rien de mieux à faire que soutenir Benflis en vue de contrer Bouteflika. Les choses sérieuses ne font que commencer. Les deux semaines à venir s'annoncent très riches en évènements et en rebondissements.