Ali Benflis a fait une entrée fracassante, hier, dans la ville de Tébessa. Un convoi composé d'une centaine de véhicules a traversé la ville à toute allure dans une atmosphère de kermesse et au son du baroud. Ali Benflis a fait une petite halte à l'hôtel Dyr appartenant à un ancien industriel de la ville aujourd'hui reconverti dans l'hôtellerie et soutien actif du candidat du FLN. Une immense bousculade que même les organisateurs avaient du mal à contenir s'en est suivie à l'entrée de cet établissement. Lors de son premier meeting de la matinée, Ali Benflis, pas du tout avare de mots à l'endroit d'Ouyahia a lancé à la cantonade : «Il y a ceux qui veulent faire le chiche-biche. Il nous dit de lui cacher les urnes parce qu'il va voler les voix du peuple sous la surveillance des policiers. Non ! Les policiers sont des enfants de l'Algérie et comme les citoyens ils vous disent on en a marre de la fraude. Tu peux manger tout seul les épines et montrer ton visage aux Algériens.» Devant une assistance évaluée à quelque 7000 personnes, Ali Benflis a littéralement subjugué la foule entassée dans la salle omnisports qui porte le nom du Cheikh Larbi Tebessi. Après avoir brossé un tableau peu reluisant de la situation, le candidat s'est engagé, par fidélité «aux gens qui ont libéré le pays» à faire de ce pays «un pays de braves, un pays d'entrepreneurs et de citoyens responsables». Il évoquera en passant l'état de décrépitude totale de la zone industrielle qui est devenue, selon lui, «un cimetière», de réactiver le Fonds d'aide aux éleveurs «gelé» depuis son départ du gouvernement, de l'étendre et de l'élargir à l'ensemble des fellahs du pays afin qu'il ne soit pas «l'otage de quelques individus» et enfin de construire un barrage Aïn El Ater à Safsaf. Revenant sur la position de l'armée par rapport à cette élection, il dira que celle-ci a répondu à trois reprises qu'elle est «neutre» et qu'elle «s'occupera désormais de sa modernisation et de sa professionnalisation». Au beau milieu de son discours, une voix tremblante fuse de l'arrière de la salle : «Bouteflika président!» Ali Benflis nullement déconcentré continue son discours et accélère la cadence. Cette fois-ci, c'est Belkhadem qui en prend pour son grade: «Notre diplomatie doit être gérée par des hommes qui ont le nif. Malheureusement le siège des Affaires étrangères est devenu un laboratoire des complots contre le FLN.» La foule scande «Sfax! Sfax!» Il se plie à leur volonté et leur apprendra au passage qu'il a officiellement transmis aux autorités tunisiennes une lettre de protestation alors que l'Etat algérien s'est abstenu de le faire, selon lui. La politique de prestige appliquée par Bouteflika durant son règne est mise à mal par les révélations du candidat qui cite comme exemple la visite de Bouteflika au nouvel hôpital d'Oran. Il dira à ce propos que le matériel neuf et ultra sophistiqué exhibé devant les caméras était ramené d'un autre établissement et que les malades aussi venaient d'ailleurs. Juste après la fin du meeting, le cortège démarre en direction de Souk Ahras. Des haltes successives de quelques minutes sont faites à El Aouinet et à Ouenza. A Taoura, une localité proche de Souk Ahras, les citoyens renseignés sur le passage du cortège, sont sortis, banderoles de Bouteflika en main, crier leur attachement au président et proférer des mots obscènes que la décence nous interdit de relater. L'hostilité à Benflis dans cette localité s'expliquerait par le fait que le ministre de l'Enseignement supérieur, Harraoubia, un fidèle soutien de Bouteflika y est natif. Le meeting de Souk Ahras démarre sur les chapeaux de roue avec deux heures de retard sur l'horaire prévu. Une assistance toute ouïe, une ambiance électorale surchauffée et une salle omnisports de Badji Mokhtar relativement aérée. D'emblée, Ali Benflis annonce la couleur: «Votre wilaya est aujourd'hui oubliée. Cette wilaya a pourtant a été la Base de l'Est de l'ALN. Il n'y a pas uniquement votre région qui souffre. C'est toute l'Algérie qui est blessée et qui pleure.» Il enfonce le clou et charge Bouteflika : «Il y a ceux qui ne savent pas profiter de l'occasion et ratent le virage. Il avait tous les moyens de l'Etat pour réussir. Le peuple aussi a été patient avec lui. Il l'a laissé livré à lui-même. Maintenant, il vous demande de lui donner cinq autres années. L'argent de Sonatrach est distribué à tort et à travers pour acheter des voix. C'est fini le temps de la SAS.» Prenant l'exemple de la Géorgie, l'Allemagne, la France et les USA où souffle une liberté de pensée et d'entreprendre, Ali Benflis dira que l'ère de la pensée unique est de l'histoire ancienne : «La démocratie est devenue obligatoire. Les voleurs de voix doivent disparaître définitivement.»