De mazout en super, on arrive au sans-plomb à dénicher des indélicats Quarante-quatre personnes risquent les foudres de l'association de malfaiteurs. Les employés de Naftal du Caroubier et certains gérants de stations-service à travers la capitale sont dans de beaux draps. Quarante-quatre personnes risquent les foudres de l'association de malfaiteurs, de l'abus de fonctions et de sa mauvaise utilisation pour les employés de Naftal faux et usage de faux en écriture commerciale, détournement de deniers publics et complicité. Les faits remontent à la nuit de février 2013 vers 22 heures lorsqu'un camion-citerne avait fait l'objet d'un contrôle de routine par le policier de service. Sur le coup, il a constaté que la facture présentée était...fausse! L'enquête est déclenchée. De fil en aiguille. De mazout en super, on arrive au sans-plomb à dénicher des indélicats dont les avocats criaient hier à l'innocence de leurs mandants surtout ceux des agents de sécurité impliqués durant l'instruction. L'expertise a cependant «lavé» tous ces inculpés car il n'y a eu aucun préjudice surtout que le dit camion du 1er février avait été immobilisé devant le portail: «Où est donc le vol et là est le préjudice?» Maître Nacéra Bouali Hettak, Maître Sayeh, Maître Barhoum et Maître Kourtel rejoignent Maître Soufiane Chalal et Maître Amine Benkraouda qui ont décidé de plaider la relaxe. Seulement, elle! A chaque fois qu'un magistrat entre dans la salle d'audience avec un rôle prévu de longue date, les imprévus prennent la place de l'efficacité et du rendement. L'affaire dite «Naftal» déjà renvoyée à plusieurs reprises pour diverses raisons était à 10h30 dans l'attente d'être abordée. Il faut de suite affirmer ici que dès 9 heures, toutes les parties étaient à Sidi M'hamed Alger dans l'espoir de débuter tôt les débats et en finir car les deux premières affaires avaient été renvoyées après trois suspensions d'audience, des suspensions exaspérantes car rien n'est plus éprouvant pour un rédacteur que de ne rien écrire autour du dossier du jour. Et lorsque cela arrive à une juge expérimentée, toute pimpante après les fêtes de l'Aïd El Kébir, cela devient gris maussade, lourd comme la journée d'hier, considérée par votre serviteur comme à moitié gâchée! Finalement, à 10h50, Saloua Makhloufi, la juge du pôle judiciaire d'Alger revient et invite de suite les témoins à se rendre dans la salle qui leur est réservée. Puis elle passe à l'appel des inculpés dont les 2/3 sont assis avec les justiciables faute de places dans le box des accusés où sont déjà installés une douzaine d'entre eux. Les climatiseurs vrombissent. Le bruit qui en sort est plutôt gênant pour les malentendants. Les avocats aussi sont pour certains debout. Les journalistes? Nous préférons ne pas évoquer leur situation...On fait ce qu'on peut. L'essentiel est d'aller vers les débats qui tardent franchement à montrer le bout du nez. Le service d'ordre est plus qu'en place. Il est strict, vigilant et peu tolérant pour ce qui est de la circulation des justiciables qui bougent souvent à cause de maladies chroniques... Mohamed Touidjini, le procureur, lance un oeil en direction du brigadier-chef qui arrête les climatiseurs. Une bonne chose car le calme s'installe et le boulot peut débuter. Il est 11 heures pile. Des questions préjudicielles sont introduites par Maître Bahlouli qui ne s'attend pas à une fleur de Makhloufi qui commence l'audition du premier inculpé défendu par la plus jeune des Bahlouli. Le détenu commence par les factures. La juge l'arrête et lui demande d'aborder d'abord les conditions dans lesquelles il a commencé le délit. Maître Mohammed Ali Barhoum jette un rictus en direction de Maître Sayeh assis à la droite de Maître Sayeh de Tizi Ouzou. La présidente cherche à savoir qui remet les factures en fin d'après-midi. Le détenu affolé et meurtri par la détention préventive marmonne plus qu'il ne parle. Il tente d'expliquer le mouvement des camions citernes contrôlés à souhait. La juge s'accroche beaucoup plus aux manoeuvres immorales de certains employés indélicats qui ne peuvent pas se rendre compte de l'énorme préjudice causé à la société. Plus tard, Maître Saddek Chaïb, Maître Soufiane Chalal et Maître Farid Benbelgacem crieront que de préjudice de Naftal point. «C'est impossible que l'entreprise ait été meurtrie!» diront-ils tour à tour. Makhloufi ne trouve pas «sérieux» de charger les camions tard dans la nuit noire. Maître Hamza Khamis entre dans la salle, déçu qu'il n'y ait pas de places disponibles. Faisant bon coeur contre mauvaise fortune, il se met aux côtés de Maître Abderahim Bouhenna lui-même à l'aise. Le premier détenu auditionné est plutôt gêné d'entendre des questions dont il ne possède visiblement pas les réponses. La présidente reprend un large passage de ses déclarations faites par devant le juge d'instruction concernant ses liens avec Mokhtar. «Pourquoi avoir alors dit maintenant que vous aviez coupé l'appel de Mokhtar craignant les foudres...» demande Makhloufi qui ne veut pas lâcher prise car elle sait par expérience que si elle arrive à pousser l'inculpé à se mettre à table, la suite des débats sera aisée pour tous. Et en baissant la tête, l'inculpé avait donc confirmé ce qu'il avait dit au juge d'instruction. Il est 11h27 au moment où le deuxième inculpé s'avance à la barre. 1,84 m jeune, la mine défaite par ce qui lui arrive, le détenu attend la première question du tribunal. Elle lui rappelle les poursuites: usurpation de fonction. Le représentant de l'entreprise est debout à la gauche de son conseil, Maître Guious Abdelkrim. Le représentant de Naftal était debout, décidé à tout entreprendre pour tout expliquer à Makhloufi. Il était si décidé qu'il porte outre une solide ceinture, une non moins solide belle paire de bretelles visibles... Abdelmadjid Benhadj, le procureur de la République de Sidi M'hamed, effectue un saut dans la salle d'audience juste pour constater l'état de l'audience. Il ressort au bout de quatre secondes de constat... Le représentant de l'entreprise informe le tribunal qu'il y a plusieurs portes. Il explique le cheminement des camions citernes. Il rappelle que des actes de travail lient Naftal et les chauffeurs des poids lourds venant s'approvisionner en carburant. Il regrette l'auteur qui a scanné, celui qui facilite les opérations fraudeuses... Il est question de bons d'enlèvement, de constitution de dossiers et de monstrueuses démarches qui facilitent le vol, le détournement et autres astuces menant aux délits! Il s'adonne à un véritable monologue concernant le «voyage» du bon d'enlèvement avant le dépôt à la porte de sortie d'une copie de chaque document reçu au cours de la tournée du camion citerne. D'autres précisions poussent le juge à réinterroger le détenu debout depuis le box. Le troisième inculpé est appelé à la barre. C'est un ancien de Naftal. Il doit avoir plus d'une vingtaine d'années d'exercice. La présidente ne veut pas perdre de temps. Elle veut franchement en finir, car elle s'est déjà aperçue que les inculpés ne sont pas des repris de justice et donc difficilement maniables. En suivant la manière de faire de la présidente, nous avions saisi que dans le fond, les avocats avaient raison: «Il n'y a aucun préjudice financier qui puisse faire de cette affaire une...grosse! Certes sur les quarante-quatre inculpés, il y en a dix-huit qui comparaissent avec le statut d'inculpés détenus. Certes, il y a en quarante et un témoins dont la majorité fait une moue plus qu'éloquente. «Les pertes et profits ont fait que certains employés se soient servis mais ils n'ont rien volé!» s'exclame une avocate de Saïd Hamdine (Alger). L'interrogatoire sera du même refrain surtout que cette rusée Makhloufi a deviné de quoi il retourne en gros. C'est pourquoi vers les quatorze heures et quelque, nous en étions au 19e inculpé à être entendu. Donc, l'audience peut aller jusque tard dans la nuit et le verdict ne tombant qu'à l'aube ou ce matin 10 heures!