Les Tunisiens dos au mur entament une course contre la montre Les chefs de 21 partis devaient discuter hier de l'identité du futur Premier ministre indépendant devant être choisi cette semaine pour sortir la Tunisie d'une crise politique nourrie par les violences jihadistes. Ces responsables avaient rendez-vous en fin d'après-midi hier pour passer en revue les différentes personnalités proposées pour former le cabinet apolitique censé succéder d'ici trois semaines à celui dirigé par les islamistes d'Ennahda, a indiqué le syndicat Ugtt, principal médiateur des pourparlers lancés vendredi après trois mois de bras de fer entre pouvoir et opposition. Les médias tunisiens ont avancé une multitude de noms pour succéder à l'islamiste Ali Larayedh, mais il n'existe aucun candidat déclaré. Durant tout le week-end, des pourparlers ont eu lieu pour mettre en oeuvre la «feuille de route» du dialogue national qui, outre la formation d'un nouveau cabinet, doit aboutir à l'adoption avant fin novembre de la Constitution, en cours de rédaction depuis deux ans, ainsi que d'un calendrier et d'une législation électorale. La commission de l'Assemblée nationale constituante (ANC) en charge de la réforme de son règlement intérieur s'est d'ailleurs réunie lundi matin pour déterminer les réformes à adopter pour accélérer l'adoption de la future loi fondamentale. Les chefs du Quartette de médiateurs - l'Ugtt, le patronat Utica, la Ligue tunisienne des droits de l'Homme et l'Ordre national des avocats - ont aussi été reçus hier matin par le président de l'ANC Mustapha Ben Jaâfar. La classe politique tunisienne a lancé ces négociations très ambitieuses après trois mois de crise qui ont paralysé la vie politique et institutionnelle depuis l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance jihadiste, le 25 juillet. Elles ont pu débuter grâce à la promesse écrite d'Ali Larayedh de démissionner. Le Premier ministre a cependant souligné que son départ était tributaire de l'avancée des négociations sur la Constitution et sur l'organisation des futures élections. Le journal La Presse s'est dans ce contexte réjoui du «bon climat qui prévaut entre les protagonistes du dialogue national» tout en notant que la personnalité recherchée pour devenir Premier ministre est «un oiseau rare, démocrate, républicain, parfaitement indépendant et neutre». Ce «dialogue national» intervient aussi dans un climat sécuritaire très tendu face à la recrudescence des violences attribuées à la mouvance jihadiste armée. Celles-ci ont fait neuf morts au sein des forces de l'ordre durant le seul mois d'octobre, portant à près d'une trentaine le nombre de policiers, gendarmes et militaires tués depuis le début de l'année par des groupes qualifiées de «terroristes» et accusés d'avoir des liens avec Al Qaîda. La dernière en date, dans la région de Sidi Bouzid (centre-ouest), a fait six morts dans les rangs de la gendarmerie la semaine dernière. Huit suspects ont été arrêtés, a indiqué lundi le ministère de l'Intérieur. Ces violences ont initié une fronde d'un important syndicat policier, contre le gouvernement accusé de laxisme. Des centaines de manifestants se sont rassemblés hier matin à l'appel du Syndicat national des forces de sécurité intérieures (Snfsi) devant le ministère de l'Intérieur, en plein centre de Tunis. «Nous constatons un manque de sérieux du gouvernement pour lutter contre ce fléau», a dit Riadh Rezgui, un porte-parole du syndicat, avant d'accuser les autorités «d'affaiblir délibérément les organes sécuritaires, étant donné qu'on n'a pas les équipements nécessaires, même pas de gilets pare-balles». Le Snfsi avait organisé la manifestation ayant chassé le président Moncef Marzouki et Ali Larayedh d'une cérémonie d'hommage à deux gendarmes tués mi-octobre. Il a publié samedi un communiqué cinglant pour réclamer plus de moyens mais aussi la réintégration de cadres sécuritaires limogés après la révolution de janvier 2011, pour remplacer ceux jugés incompétents et soumis à Ennahda. Le ministère de l'Intérieur a jugé ces propos «inacceptables» et comme étant une «menace de rébellion». Il a appelé les agents «à ne pas donner suite aux appels (du Snfsi) visant à semer la zizanie».