Abyei, revendiquée par les deux Soudan, vote sur son rattachement à Juba ou à Khartoum, lors d'un référendum non reconnu officiellement et susceptible de raviver les tensions entre les deux voisins. Abyei, zone grande comme le Liban, avec une population sédentaire d'une centaine de milliers d'habitants, prise en étau entre Soudan et Soudan du Sud, reste l'un des points de crispation majeurs non résolus par «l'Accord de paix global» de 2005. Cet accord avait mis fin à deux décennies de guerre civile entre le gouvernement soudanais et la rébellion sudiste et débouché sur la partition du Soudan en 2011. Plus que stratégique, l'intérêt que portent Juba et Khartoum à ce territoire est essentiellement symbolique et affectif, de nombreux responsables soudanais et sud-soudanais en étant originaires. La région fut pétrolifère, mais ses réserves sont en cours d'assèchement. Sa terre est potentiellement fertile, mais son agriculture est essentiellement de subsistance et ses rares infrastructures ont souffert de la longue guerre civile, puis d'une incursion de l'armée soudanaise en 2011. Le référendum a été organisé unilatéralement par la seule communauté Ngok Dinka, population sédentaire d'Abyei. Branche du peuple Dinka, ethnie majoritaire au Soudan du Sud à laquelle appartiennent de nombreux hauts responsables sud-soudanais, dont le président Salva Kiir, elle est très majoritairement favorable à un rattachement à Juba. «Les gens votent pour rejoindre le Soudan du Sud ou être une partie du Soudan», a déclaré hier Rou Manyiel, président de l'organisation de la société civile d'Abyei et responsable de la communauté Ngok Dinka. «Il y a de longues files mais tout est calme et paisible». Le vote a commencé dimanche et se terminera aujourd'hui, a-t-il précisé. Le référendum est officiellement ouvert à tous les habitants d'Abyei, mais seuls les Ngok Dinka se rendaient aux urnes, selon des témoins. Traditionnellement favorable à un rattachement à Khartoum, la communauté arabophone et semi-nomade Misseriya, qui va et vient entre le Soudan et Abyei, avait récemment exclu toute participation à un référendum organisé par les Ngok Dinka et menacé d'organiser sa propre consultation. Un référendum d'autodétermination à Abyei est prévu par l'accord de paix global de 2005, mais n'a cessé d'être repoussé depuis, notamment en raison d'un désaccord entre Khartoum et Juba sur la composition du corps électoral. La médiation de l'Union africaine (UA) sur le sujet est pour l'heure infructueuse. Ni Juba ni Khartoum ni la communauté internationale ne soutiennent officiellement le référendum en cours à l'initiative des Ngok Dinka. Ces derniers jours, l'ONU avait à nouveau appelé les parties à s'abstenir de «toute action unilatérale qui pourrait aggraver la tension», estimant la situation à Abyei «explosive». Outre les tensions locales entre Ngok Dinka et Misseriya, le référendum est susceptible d'attiser les dissensions toujours latentes entre Khartoum et Juba, laissant craindre un possible nouveau conflit ouvert entre les deux ex-ennemis. Les sujets de friction laissés en suspens par l'accord de 2005 - Abyei, mais aussi la question du pétrole ou le tracé de la frontière notamment - ont depuis alimenté les tensions entre le Soudan et le Soudan du Sud, qui ont atteint leur paroxysme en mars 2012 avec des combats frontaliers ayant conduit les deux pays au bord de la guerre.