Ceux qui l'ont connu brossent de lui un portrait très élogieux, mais pour les militants de la cause nationale, il restera celui qui avait lancé à la face de l'ancien président: «Je ne suis pas un mouton de Panurge.» Beaucoup auraient sauté de joie, en apprenant qu'ils étaient devenus membres de la première Assemblée populaire nationale de l'Algérie indépendante. Un insigne honneur, surtout pour ceux qui étaient désignés directement par le président de la République. Pas Abderrahmane Gheras, ce militant de la première heure qui avait étonné tout son monde, à l'époque, en refusant d'être coopté par Ahmed Ben Bella, au motif que celui-ci ne l'avait pas consulté et qu'il n'avait pas autorité pour le faire. En hommage à ce grand patriote, le quotidien El Moudjahid, en collaboration avec l'Association Mechaal Echahid, a organisé, hier, une conférence historique à laquelle ont pris part de nombreuses personnalités parmi lesquelles d'anciens ministres et un ancien membre des 22 historiques qui avaient préparé le déclenchement de la révolution. Dans un témoignage poignant, Youcef Haddad, ancien membre de la Fédération de France du FLN, brosse d'Abderrahmane Gheras un portrait très élogieux, soulignant que le défunt était un homme très intègre qui aimait la droiture et ne badinait pas avec la morale et les principes. Selon lui, le défunt n'était pas qu'un illustre patriote, c'était aussi un homme au grand coeur qui n'hésitait pas à dire non pour un poste ou une nomination que d'autres auraient volontiers accepté, surtout lorsque la décision émane du président de la République en personne. «Je ne suis pas un mouton de Panurge avait-il répondu après sa désignation par Ahmed Ben Bella à la première Assemblée nationale.» Evoquant cet épisode de l'Algérie indépendante, le conférencier a confié que «Abderrahmane Gheras avait préféré démissionner plutôt que de renier ses principes, non sans avoir réprimé vertement l'ancien président, lui reprochant de ne l'avoir pas consulté» M. Haddad est, ensuite, revenu sur les raisons qui avaient conduit à la création de la Fédération de France du FLN, soulignant qu'il fallait exporter la révolution, en organisant la lutte à l'intérieur même de l'Hexagone. «Au début, nous n'étions pas très nombreux, mais grâce aux campagnes de sensibilisation, nous avons pu drainer des milliers de sympathisants et militants», a-t-il fait savoir. L'orateur a reconnu, cependant, que la tâche n'avait pas été du tout facile, en raison des réactions hostiles du MNA de Messali El Hadj, dont les militants n'hésitaient pas, selon l'invité du forum, à mitrailler les cafés ou bars fréquentés par les militants du FLN. Il a précisé que c'est à partir de 1956 que la Fédération de France du FLN se mit progressivement en place, en installant des cellules pratiquement dans toutes les régions de France. Ancien membre du groupe des 22 qui avaient préparé puis déclenché, le 1er Novembre 1954, la révolution, Mohamed Mechati a, dans sa communication, fait l'éloge de l'OS, précisant que cette instance a contribué grandement à la lutte de Libération nationale. Parlant de Abderrahmane Gheras, l'hôte de la conférence le présente comme un grand patriote qui se fit remarquer au sein de l'OS dont il fut un membre très actif. M.Mechati avoue, cependant, que tout n'était pas rose au sein de l'OS, en raison des conflits internes et des rivalités entre certains de ses membres qui avaient conduit à son éclatement. Pour Mohamed Abbas, chercheur, Abderrahmane Gheras est un authentique patriote qui a marqué de son empreinte l'histoire de la révolution et de l'OS. Dans un bref rappel historique, il ne tarit pas d'éloges sur ce militant intègre et courageux qui se distingue, en étant un des leaders de l'Organisation secrète dans la région de Constantine. «Il n'a pas fait de grandes études, mais il était d'une grande intelligence et avait du courage à revendre», a confié l'orateur. C'est grâce à ses qualités qu'il s'imposa et devint un des leaders de l'OS. Tour à tour, il fut désigné chef à Constantine, Mostaganem, puis Chlef avant d'être envoyé en France pour organiser, en compagnie d'autres chefs du FLN, la Fédération de France. «Malgré tous les coups durs que lui portèrent la DST et la police française, l'OS parvint à passer entre les mailles des filets, en cachant ses membres ou en les envoyant en France pour organiser la Fédération FLN de France», a-t-il déclaré.