A 80 ans, l'artiste rêve et espère sortir par la grande porte «Faire du drôle avec du triste, c'est ma devise» dira l'humoriste qui préféra parler de ce qui ne va pas au sein de la politique française, en ajoutant «chacun sa merde!». L'humoriste français d'origine algérienne Guy Bedos s'est produit mardi dernier à la salle Ibn Zeydoun devant une salle pleine, complètement conquise et sous le charme de ce jeune homme de 80 ans dont la gouaille n'a pas pris une ride. D'ailleurs, on a commencé à l'applaudir avant même que le spectacle ne commence, faisant émoustiller la star Bedos qui le rendra bien à son public et d'entrée, en remerciant l'Algérie où il est né et grandi en y vivant jusqu'à l'âge de 16 ans. Il affirmera ainsi un peu plus loin: «Autant mourir que de laisser faire du mal à l' Algérie!». Avec aisance, l'artiste se plaisait de passer des choses saugrenues, légères aux paroles graves et sérieuses, passant de la parole volubile au silence méditatif sur son parcours, sa vie, et sa santé, faisant de cette dernière un vérifiable sketch où il s'enorgueillit d'être toujours au top de sa forme. Bedos gesticule, s'asseoit au bord de la scène ou se met carrément par terre comme sur un divan soulignant ainsi l'importance de l'humour dans sa vie et la présence du public dans son équilibre psychique en postichant ainsi les psychanalystes dont il avoue ne pas avoir besoin, bien qu'il souligne auparavant le trait possessif de sa mère et la désinvolture incongrue de sa famille dans des envolées fantasmagoriques des plus hallucinantes, parfois grotesques et potaches. «Faire du drôle avec du triste c'est ma devise» dira-t-il, qui s'attaquant à la revue de presse, mettra le doigt sur les dérives de la politique actuelle française et en égratignant la plupart de ses dirigeants et hommes politiques, principalement Marine Le Pen, Emmanuel Vals, lui, Bedos, le gauchiste convaincu, mais qui ne se retrouve plus dans «cette merde» qui gravite au pouvoir. Bedos s'attaque ainsi à Hollande, mais avoue que Sarkozy lui manque car c'était un bon client, question d'humour. «Pourquoi inventer? Il suffisait de copier» fait-il remarquer. Certaines femmes prennent aussi pour leur grade, La chancelière allemande Angela Merkel, Betancourt, Martine Obry etc, et de déclarer: «Il y a des femmes qui sont si cons qu'elles mériteraient d'être un homme!». Guy Bedos évoque aussi ce qu'on a appelé communément le printemps arabe qui s'est transformé plutôt en hiver arabe, mais aussi la responsabilité de la France dans ce qui se passe au Mali, en Syrie, en Libye, tout en affirmant un peu plus loin: «Je ne suis pas antisémite, ni antisioniste car il y a des gens bien partout!». A propos de l'Algérie, l'humoriste n'a pas voulu s'attarder sur sa politique en saluant au passage la ministre de la Culture venue l'applaudir. Mais il glissera tout de même cette réplique qui fera mouche parmi le public algérois qui s'est mis immédiatement à l'applaudir: «Mais il n y a pas d'hôpital, en Algérie pour que Bouteflika aille se soigner en France, avec tout le gaz et le pétrole que vous avez?». Fin du clin d'oeil. Bedos insistera sur son désir d'amour et de paix avant tout, qu'il veut transmettre aux Algériens qui vont lui manquer à son retour, lui qui vient justement pour finir en beauté sa tournée de fin de carrière avec le spectacle Rideau! D'ailleurs, sa famille, entre fils et épouse l'accompagnent en vue de réaliser un reportage sur son voyage en Algérie. Guy Bedos qui fera le tour de ce qui ne va pas en France dénoncera le racisme envers les Arabes et les Noirs que préconisent le parti de Marine Le Pen tout en indiquant aussi que «quand la gauche copie la droite, ce n'est donc plus la gauche, mais ça devient une droite» et ce, en faisant référence à la chasse aux Roms. L'humour de Bedos est plutôt incisif, acerbe. Il ne va pas avec le dos de la cuillère pour crier haut et fort ce qui va mal dans son pays. Avec une ambiance feutrée qui rappelle le music-hall puis la Commedia dell'arte, Bedos nous entraîne par moment dans un univers magique où la parole fait sens et n'est pas là seulement pour le jeu du rire et de l'amusement, mais permet de trancher sur des questions importantes en prenant des positions clairement engagées. C'est aussi ça Guy Bedos en fait, qui sait jongler avec les mots. Il n'est d'ailleurs pas acteur et scénariste pour rien, bien que parfois en désaccord avec les idées de ses compatriotes pieds-noirs, mais se sent «tout de même plus proche d'Albert Camus que d'Enrico Macias». A 80 ans, l'artiste rêve et espère sortir par la grande porte tant que la mémoire est là. D'ailleurs, il ne se prive pas de demander au public de lui chanter pour «rendre hommage à moi!» en ultime provocateur qu'il est. Son fils Nicolas a de quoi tenir en effet lorsqu'il épingle lui aussi le FN et tout ce qui lui déplaît dans sa chronique télé et ailleurs. Organisé par l'Aarc, le spectacle Rideau! devait se tenir hier et aujourd'hui, même heure, c'est à dire à 20h30 précises.